Incandescences : enfin un recueil de nouvelles de Ron Rash

En bon enfant d'une terre de labours, d'une terre de paysans, Ron Rash creuse patiemment son sillon dans le lectorat frenchie. L'auteur de Caroline du Sud, qui avait ravi son monde avec Serena, Le monde à l'endroit, Une terre d'ombre, Un pied au paradis (tous à lire !) publie cette fois (enfin !) un recueil de douze nouvelles, Incandescences. Petit bijou d'écriture précise, dans cet exercice si difficile où une atmosphère, un caractère, une situation doit tenir en une poignée de signes typographiques. Et on retrouve ainsi, en condensé, tout ce qui fait Ron Rash : cette sorte de mélancolie, cet engagement fort pour l'humain, les traces aussi de la guerre de Sécession et la position des hommes de Caroline du Sud en faveur des troupes du Nord.

Plutôt que de détailler chacune de ces nouvelles, on peut s'arrêter sur deux, en particulier. Ainsi, Retour, qui comme son nom l'indique évoque le retour, dans la ville de Charlotte, d'un soldat de la Seconde Guerre Mondiale qui a combattu dans le Pacifique. En six pages, Ron Rash parvient à évoquer les fantômes omniprésents de son oeuvre, les conflits qui déchirent l'âme des survivants mais aussi cette fameuse " terre noire, grasse et silencieuse ". Il y a une poésie folle dans ces pages austères, on pense même à quelques instantanés du film La ligne rouge, de Terence Mallick.

Autre nouvelle qui illustre le talent de Rash : Oiseau de malheur. Où un homme issu du tissu rural de cet Etat doit se plier à la vie moderne en ville. Où ses croyances, ses superstitions aussi, se heurtent à la réalité sans poésie de la société. Où ses racines mènent presque à la folie. Parce que, dans son enfance, son grand-père, lorsqu'il avait entendu le hibou, quelques jours avant sa mort, avait dit " Il est venu me chercher ". D'une force incroyable et imparable.

On le répète, Ron Rash, est un auteur moderne, populaire, et original de très haut niveau. Oui, on pense à Carver en le lisant. Et, désormais, on aimerait que son éditeur publie, aussi, ses recueils de poésie, apparemment très appréciée dans son pays. Pour se faire une idée, on peut aussi lire l'avis de l'exigeant blog du Vent Sombre.

Incandescences, Ron Rash, édition Seuil, 202 pages, 20 euros.