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The killer inside me

Littérature noire

Trafiquants d'hommes : le contrôle des frontières assuré par les mafias

Trafiquants d'hommes : le contrôle des frontières assuré par les mafias

C'est un sacré document. André Di Nicola, criminologue à Trente et Giampaolo Musumeci, reporter, sont allés à la rencontre de chefs de réseaux de passeurs. Ceux qui organisent l'immigration clandestine, depuis la Turquie, la Tunisie, l'Egypte, l'Italie... C'est dans ce dernier pays que sévit Josip Loncaric, âme damné du trafic d'émigrés, sorte de Kaizer Sozé, qui aurait fait entrer jusqu'à 35 000 clandestins tout au long des années 90. Trafiquants d'hommes se lit comme une enquête minutieuse, qui ouvre plusieurs portes et montre que la Méditerranée est une voie d'entrée toute privilégiée pour les plus malheureux. Surtout, ce livre montre que les bénéfices de ce trafic sont gigantesques : 150 millions de dollars entre l'Afrique et l'Europe, 6 milliards pour les Etats-Unis.

Les deux enquêteurs, à force d'interroger des magistrats, parviennent à faire un quasi catalogue des prix pratiqués par les mafias : 25 000 dollars d'Afghanistan vers le Royaume-Uni, 22 000 du Pakistan aux Etats-Unis, entre 40 et 70 000 de la Chine vers les Etats-Unis, de 1500 à 3000 de l'Afrique du Nord vers l'Italie...

Le livre démonte les rouages, l'organisation très précise, fondée sur la confidentialité, la discrétion, mais aussi la qualité de services. Des hommes aguerris, bien plus efficaces qu'un simple douanier. On y aborde aussi les différentes techniques comme celle qui ouvre le livre : à savoir la location d'un voilier dont les cabines sont bourrées de migrants. Pour les douaniers, parmi les milliers de bateaux qui croisent en mer, un seul critère : voir si la ligne de flottaison est vraiment basse. Ou alors, ces techniques pour passer inaperçu aux radars dans les camions entre Calais et Douvre : soit s'envelopper d'aluminium, soit remplir son duvet de glaçons...

Toutefois à écouter les trafiquants, on a l'impression tout de même que tout se passe plutôt bien, ils tentent de se donner un beau rôle, parlent comme des hommes d'affaires. On aurait aimé entendre leurs " clients ", connaître leur vision de ces baraques où il faut attendre des jours, avec à peine de quoi se nourrir, de ces voyages en mer durant lesquels certains meurent, de ces nuits de froid, de ces journées de canicule. Trafiquants d'hommes reste un témoignage rare qui interpelle et laisse songer que ce n'est pas demain que ce mouvement ralentira.

Trafiquants d'hommes, A. Di Nicola, G. Musumeci, ed. Liana Levi, 185 pages, 14 euros.

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