Littérature noire
23 Juillet 2015
" Pour autant qu'il le sache, le monde était une bassine de merde avec des poignées en barbelés..." Jim Thompson, en 1965, a de ces éclairs, qui peuvent presque sauver un roman très moyen. C'est le cas avec Le Texas par la queue. L'histoire de Mitch Corley, joueur invétéré de craps, un petit génie qui, l'air de rien, s'amuse à dépouiller les riches, les nantis. Dans un Texas, où Jim Thompson nous explique bien que la loi peut subir quelques distorsions, Mitch se retrouve pris à la gorge d'une maîtresse amoureuse mais exigeante et d'une femme cachée, par ailleurs, prostituée de bas étage. Mitch parvient à dépouiller le membre d'une grande famille texane mais voilà que les chèques de créance sont tous rejetés. Et il y en a pour quelque chose comme 30 000 dollars...
Roman assez bizarre, sans véritable intrigue sinon celle de savoir comment Mitch va gérer son portefeuille, Le Texas par la queue présente tous les trucs et astuces des joueurs de dés. Ce qui, honnêtement, en 2015, et pour un lecteur qui comprend fifre au craps, est assez, disons, abscons. " Il observa la progression des nombres, les combinaisons au fur et à mesure des lancers. Six - quatre et deux - Encore six - et encore quatre et deux. Et voilà un nouveau huit sec. Puis une paire de deux - un quatre sec... " On a beau aimé passionnément Jim Thompson, on y comprend goutte. Et parfois, il faut bien le dire, ça devient pénible. Surtout que notre auteur est d'une gentillesse incroyable avec ses personnages : la compagne de Mitch est adorable, sexy. Et même compréhensive. Mitch est assez réglo. Les Texans, eux, sont dépeints comme des gens fiers, attachés à leurs " particularismes " (c'est le même qui a écrit Nid de crotales, cinq ans avant ?)... Jim Thompson, l'oakie, en guerre contre tous les rednecks, les cul-terreux, les maris stupides et les gourdes ! Le voilà, mielleux, consensuel, arrangeant !
Bon, la fin du roman est sauvée par une description fabuleuse de la création de Big Spring ( la première citation de ce post est tirée de ce passage), puis une scène où Mitch se retrouve dans une sacrée panade. Les toutes dernières lignes se révélant, elles, toujours aussi fumeuses. Un mot pour dire que la traduction de Michalski n'est, elle aussi, pas le fin du fin : " les logements tous identiques du voisinage étaient aussi scrofuleux que la maison... Pourquoi avait-il fallu qu'il soit dans une presse de tous les diables ?... Et tandis que Mitch partageait quelque boisson préprandiale... " Voilà au final un Jim Thompson hélas, réservé aux seuls fans.
Le Texas par la queue, Jim Thompson, ed. Rivages, 245 pages, 5, 40 euros.