Littérature noire
18 Mars 2011
Marre des polars scandinaves ? Hop, voici Atticka Locke, californienne black, élevée au Texas, scénariste télé qui publie son premier roman " Marée Noire ", visiblement très bien reçu aux States si l'on en juge par les nominations aux différents prix. Et Diantre, c'est largement mérité. Tant il y a un souffle historique dans ce roman noir, des personnages complexes et une vraie ambiance de complot économique. 440 pages sur cette industrie du pétrole qui, décidément, produit peu de philanthrope.
Jay est un jeune avocat noir de Houston, au début des années 80. Même si ce n'est pas le gros cabinet avec bureau en chêne massif et moquette épaisse, il a du marner fort pour en arriver là : un père tué par des Blancs, une éducation dans le Fith ward (quartier pourri du coin), un engagement dans le Black Power qui lui a valu un procès, un amour de jeunesse qui lui a brisé autant son coeur que sa confiance en l'être humain. Bref, plus proche du cas social que d'un grand maître du barreau. Alors quand il offre à sa femme, enceinte de huit mois, une petite croisière sur le bayou Buffalo serpentant dans Houston, il se dit qu'il va prendre un peu de bon temps, profiter d'une bière, de son épouse. Mais non. Deux coups de feu dans la nuit, des cris, une femme qui se précipite dans l'eau et Jay qui la ramène à bord... C'est parti pour une vraie aventure mêlée de justice, de bars sombres et de coups de feu.
Attica Locke dessine sans forcer le trait, les liaisons entre élus, barons du pétrole et petites frappes locales. Avec, en piment, une grève des ouviers noirs de la pétrochimie, discriminés dans l'évolution de carrière. Tout est en place pour un roman dense, fort, parfaitement conduit, avec deux ou trois scènes haletantes, tendues. " Marée Noire " est poisseux comme le Texas en août, comme ce pétrole présent dans chaque pierre de Houston, comme ce bayou, plein de vase et renfermant les milles et un secrets d'une société aux mains de quelques uns. On pense évidemment à George Pelecanos en lisant Attica Locke, sauf que cette dernière présente tout un background très documenté sur la lutte des droits civiques, avec moult référence et anecdotes. Vraiment une bonne surprise de ce début d'année 2011. Vivement le prochain.
Marée Noire, par Attica Locke, ed. Série Noire gallimard, 440 pages, 21 euros.