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The killer inside me

Littérature noire

Fin de mission : comment le conflit en Irak donne un grand livre

Fin de mission : comment le conflit en Irak donne un grand livre

Sortie très attendue de ce mois de janvier 2015, Fin de mission comble toutes les attentes. Douze nouvelles d'un ancien marine, douzes nouvelles accouchées après plusieurs missions en Irak. Accouchées parce que l'on imagine la peine, la difficulté à écrire sur des événements aussi durs, des situations aussi tendues, des jours aussi récents. La difficulté comme peut-être la nécessité. Même si tous les auteurs ne sont pas d'accord sur le fait que l'écriture soulage quoi que ce soit. Là, le lecteur sent qu'il y a de l'épanchement. Mai sla force de Phil Klay, l'auteur, est de faire cela sans surenchère. Comme dans le Russell Banks dont on parlait ici même la semaine dernière, il y a une sècheresse dans la prose de Klay. Sans être clinique, c'est surtout sans pathos, les événements se suffisant évidemment à eux-mêmes.

" Ecoutez, Falloujah a connu des périodes bien pires que celle-là. Al-Qaida abandonnait les cadavres dans la rue, ils coupaient les doigts des gens parce qu'ils fumaient. Dans tous les quartiers, ils avaient un local à torture, toutes sortes de saloperies complètement dingues, et vous pensez que les enfants ne voient rien de tout ça ?... Falloujah est foutrement plus dingue que Newark. " Fin de mission, c'est le retour du marine chez lui, sous toutes les facettes, ou presque. Le marine qui, abattant son chien devenu trop malade, repense à un type qui se planquait dans une fosse à merde en Irak. C'est aussi le marine qui rentre et, grâce à une bourse, s'inscrit à une faculté de droit, tentant de comprendre ces nouveaux camarades. C'est encore ce marine qui, sur le campus toujours, doit affronter une jeune musulmane un brin en rebellion...

Phil Klay a du talent pour parler des opérations sur place, dans la peau d'un artificier, d'un responsable de propagande, d'un fantassin, d'un aumônier... jamais, il ne fait l'apologie de la guerre bien sûr mais toujours il parle de ces (très jeunes) frères d'armes avec de la tendresse, parfois avec un peu de cruauté quand il s'agit de certains gradés. Surtout il conte les difficultés du conflit, l'incompréhension des situations, des face à face avec les civils en larmes, hurlant la mort de leur enfant, de leur mari. Mais il est également très bon pour analyser le rapport de l'Amérique avec la guerre, rapport complexe, ambigü, entre patriotisme, fascination et ignorance. " - Je parierais que Full Metal Jacket a suscité plus d'engagements dans le corps des marines que n'importe quelle publicité à la con en faveur du recrutement. - Et c'est un film contre la guerre. - Il n'y a pas de films contre la guerre, dis-je. C'est quelque chose qui n'existe pas. "

Fin de mission (National Book Award 2014) est tout simplement un très grand roman sur la guerre et sur les hommes qui la font. On peut d'ores et déjà le ranger à côté de Sympathy for the devil de Kent Andreson. On attend maintenant avec impatience de lire la suite des oeuvres de Phil Klay.

Fin de mission, Phil Klay, édition Gallmeister, 308 pages, 23, 80 euros.
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L
Je suis en train de le lire justement, j'aime énormément :)
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