Littérature noire
20 Novembre 2015
Que cela soit dit et écrit devant le Très-Haut : il existe une vague du polar sud-américain. Comme il a existé une (fragile) vague du polar scandinave. Ernesto Mallo, Sergio Ramirez, Edyr Augusto, Ramon Diaz-Eterovic, Lorenzo Lunar, Leonardo Padura, Paco Ignacio Taibo II (oui, il est Mexicain, mais ça compte non?). Et puis Boris Quercia. Le Chilien.
Il y a un an, dans Les rues de Santiago, il avait balancé une histoire sèche et violente autour de l'enquêteur Santiago Quinones. Ce premier roman démarrait avec une scène de flingage magistrale. Rebelote dans ce Tant de chiens, avec, dans les premières pages, un assaut fumant donné à une planque de narcos, avec gros pétards et chiens d'attaque. Il faut le dire : le Chilien n'est pas fort en préliminaires. Et c'est encore Santiago Quinones qui s'en prend plein la poire. Son co-équipier et ami a pris une balle sous le gilet pare-balles. Non, seulement, le pauvre gars cane mais les Affaires Intérieures débarquent pour savoir si Quinones n'aurait pas quelques tuyaux sur un dossier de mœurs à Valparaiso. Pour pimenter, parce que le sexe est omniprésent, le tout, il y a Yesenia. Splendide fille de 20 balais, la fille de ses anciens voisins qui réclame son aide face à un beau-père qui l'a violée pendant des années. Et encore maintenant. Au Chili, ce genre d'histoires se règle, aussi, loin des tribunaux... « Penser que, parce qu'on est flic, on va lutter pour la justice, c'est aussi bête qu'imaginer que les employés de caisse de retraite s'inquiètent que leurs allocations soient insuffisantes pour survivre. »
Encore une fois très old school, Quercia trouve un équilibre rare entre la violence aveugle d'un réseau pédophile, une société chilienne hautement gangrénée par la corruption et ce Santiago Quinones, affamé de vérité, mais aussi de femmes, de fiesta. Ce n'est pas simple aujourd'hui d'écrire un bon personnage de policier, loin des clichés. Quercia y parvient parce que Quinones est un jeune dingo, le type avec qui on va boire des bières mais surtout pas présenter sa femme, le type avec qui on va jouer aux cartes mais pas parler de business. L'auteur, avec un regard très politique, a par ailleurs la délicatesse de ne pas nous assommer de philosophie ou de crises de conscience. Tant de chiens fonce. C'est tout. Et en ce moment, ça fait un bien fou.
Tant de chiens, Boris Quercia, ed. Asphalte, 199 pages, 21 euros.