Littérature noire
13 Novembre 2015
En 1992, James Ellroy dans un entretien à la revue Polar parlait ainsi de True Confessions, « bien sûr le meurtre dans le livre est inspiré du Dahlia. Mais John Gregory Dunne a donné une vision extrêmement drôle et profane d'un Los Angeles catholique irlandais. Il n'y a jamais eu de Los Angeles irlandais après la guerre. C'est un livre brillant, que j'aime énormément mais Dieu merci, Dunen ne s'est pas appuyé sur les faits ». Une façon de discréditer à demi-mot, l'excellent roman de Dunne qui anticipait de quelques années le Dahlia du Dog. Ecrit en 1977 par John Gregory Dunne (décédé en 2003), scénariste et journaliste, True Confessions arrive, par un miracle inexplicable de l'édition, enfin en France. Et c'est un grand roman noir. Old school. Avec enchevêtrement des destins, des enjeux, de la politique, des femmes.
Et notamment une femme : Lois Fazenda, retrouvée coupée en deux à l'angle de la 39e Rue et de Norton, à Los Angeles en 1947. Tom Spellacy est chargé de l'enquête sur celle que la presse, si scandaleuse et si puissante à l'époque, appelle la « Vierge Impure ». Tom Spellacy dont la propre épouse, hantée par les Saints, est en hôpital psychiatrique, la maîtresse enceinte et l'ancienne prostituée en chef sur le point de prendre sa retraite. Tom Spellacy dont le frère Desmond, grand argentier de l'évêché californien, est en pole position pour devenir le prochain évêque de l'Etat. L'assassinat de la Vierge Impure ébranle la bonne société, elle qui travaillait bénévolement pour un organisme caritatif catholique, elle qui a croisé le chemin de l'avocat de l'évêché. Dans un Los Angeles d'après-guerre, les appétits de vie sont considérables, les ambitions, affichées, la corruption galopante et le sexe, omniprésent.
John Gregory Dunne livre un polar grande classe, truffé d'humour (« Voilà le genre d'affaire qui me plaît, cet abruti dira tout en échange d'une clope : sa rombière avait du cérumen dans les oreilles ou du poil sur les nichons, le genre de mobile que je peux comprendre. »), de dialogues ciselés et peuplé de personnages incroyables. Du nain acteur, à la femme obèse matronne de boxe, en passant par le flic réellement débile et le prêtre mort entre les cuisses d'une fille de joie. Mention spéciale à ce braqueur minable que Spellacy chope en début de roman : « son parcours scolaire s'était arrêté avant la fin de l'école primaire; il avait un QI de 86 et s'appelait encore Horace Turner. Lorsqu'un vieux malabar condamné à perpète avait voulu lui défoncer le cul, Horace s'était tellement affolé qu'il lui avait chié sur la bite. Depuis on l'appelait Turd : l'étron. »
True Confessions est le roman d'une cité cannibale qui dévore ses enfants mais aussi ses hommes. C'est évident : c'est « un livre brillant ». Mais c'est aussi évident que pour un homme pieux comme Ellroy, il doit y avoir des passages sur le clergé californien difficiles à avaler. Des prêtes, des « monseigneurs » représentés dans une société perverse, vicieuse.
Ajoutons à cela un superbe face à face des deux frères et voilà une vraie trouvaille pour tout amateur de roman noir. A noter que le livre avait fait l'objet dans les années 80 d'une adapation cinéma, un peu passée inaperçue, avec Robert Duvall Et De Niro.
True Confessions, John Gregory Dunne, ed. Seuil, 417 pages, 22, 50 euros.