Littérature noire
21 Décembre 2015
Dog eat dog. L'homme est un loup pour l'homme. C'est un peu le sens du titre et évidemment du premier roman de Jérémy Fel, Les loups à leur porte. Dans un récit en forme de puzzle qui représenterait, au final, une sorte de Mal, et avec certaines pièces plus grosses que les autres, ce jeune scénariste et libraire parvient à créer une vraie angoisse, un malaise et même des hauts-le-coeur. Entre roman noir et fantastique, Les loups à leur porte présente plusieurs sortes de prédateurs.
Il y a Walter. Même si le livre ne tourne pas exclusivement autour de lui, dommage, c'est LE grand méchant loup, le croquemitaine de San Francisco, assassin de ses parents, des parents de sa copine Mary Beth, des parents adoptifs de son fils. Un mafieux sans foi ni loi, une sorte de démon implacable, possédant boites de nuit, immobilier, trafics de stups'. Un Kaiser Soze.
Il y a aussi, dans un grand va et vient transatlantique, Steven, moniteur de colonie, près du lac d'Annecy qui fait chanter et abuse des gamins de son groupe. Une terreur qui n'hésite pas à frapper fort ceux qui n'obéissent pas.
Il y a Franck aussi, toujours en France, pédophile meurtrier, immonde personnage, avec une bande de kidnappeurs qui livre sans doute là les pages plus insoutenables du roman.
Mais il y a d'autres loups, plus communs peut-être. Telle Sybill, avocate à New-York qui maltraite, violente son fils de trois ans. Un personnage qui manque d'explication, un personnage un peu trop rapide même s'il est vrai qu'il n'y a pas à s'appesantir sur de telles ordures.
Et puis encore Martin, fou de jalousie qui vient de tuer sa femme...
Tous ces loups, ces meurtriers, ces malades, forment un kaléidoscope du Mal humain, une galaxie de la violence. Et Jérémy Fel de plonger ces hommes, ces femmes, victimes massacrées, dans des cauchemars qui semblent à peine plus effroyables que leur réalité. Des cauchemars tellement palpables, tellement vivants.
D'un point de vue narratif, il multiplie les séquences comme des nouvelles qu'il tente in fine de raccrocher. Cela ne marche pas forcément. On reste un peu dubitatif sur le lien entre la France et San Francisco. Mais cet univers, très It de Stephen King, a vraiment quelque chose de terrifiant. Et pour un premier roman, c'est franchement une réussite (attention par contre aux oublis à la relecture de la version finale !). On notera aussi le clin d'oeil à Céline Minard, auteur de cette même collection. Ou bien est-ce involontaire ?
Les loups à leur porte, ed.Rivages, 435 pages, 20 euros.