Littérature noire
2 Décembre 2015
Soixante-dix balais... La Série Noire en cette année 2015 multiplie les festivités, après une soirée anniversaire, plusieurs articles dans la presse, voici donc le recueil « C'est l'histoire de la Série Noire 1945-2015 ». Et franchement ça vaut ses 29 euros.
Parce qu'il est toujours extrêmement intéressant de connaître les débuts d'une collection, les premiers battements. En 102 pages, d'abord, Franck Lhomeau dissèque littéralement la genèse, évoquant les années 20 avec la collection « Les chefs d'oeuvre du roman feuilleton » et, entre autres auteurs, Gaston Leroux. Puis ce sont « Les chefs d'oeuvre du roman d'aventure » avec, cette fois, Edgar Wallace. C'est évidemment Gaston Gallimard, déjà, qui surveille tout ça. En compagnie du responsable éditorial Pierre-Jean Robert qui, lui, ira trouver Dashiell Hammett dès le début des années 30.
Mais c'est évidemment Marcel Duhamel qui va se montrer déterminant, une fois la guerre finie, en se rendant à Londres négocier, comme agent littéraire pour Gallimard, différents contrats. Cheyney, James Hadley Chase, Mc Coy, Tracy débarquent dans la collection, avec tirages oscillant entre 5 et 10 000 exemplaires. Il est beaucoup question, justement, du tirage dans les différentes époques et de la rentabilité de la Série Noire dans ces pages de Franck Lhomeau. On y parle pourcentage, chiffres de vente et c'est loin d'être ennuyeux. Cela explique aussi en partie pourquoi la Série noire s'est fixée rapidement ce maximum de 256 pages pour un roman, « un nombre de pages plus grand entraînerait également des difficultés d'assemblage ». De quoi expliquer certaines traductions tronquées. On en vient naturellement (page 82) à évoquer le cas Jim Thompson où l'on apprend que Marcel Duhamel avait refusé plusieurs de ses romans dont Le criminel et surtout, Le démon dans ma peau avant bien sûr de publier (septembre 1965), comme numéro 1000, 1275 âmes. Et puis l'histoire continue avec Simonin, Siniac, Manchette.
Dans une deuxième partie, Benoît Tadié s'attache à relater tout ce que doit la SN au roman noir américain. Même si, curieusement, c'est bien avec deux Anglais que la collection débuta !
Claude Mesplède et Alban Cerisier évoquent, ensuite, la période Robert Soulat (jusqu'en 1991), avec la question des collections parallèles, Carré Noir, Super Noire, qui auraient en partie mangé le lectorat de la SN : « le tirage moyen d'une nouveauté en Série Noire n'est plus que de 22 000 exemplaires, soit 10 000 exemplaires perdus en moins d'une décennie – et ce chiffre déclinera encore... » Paradoxalement, de grandes signatures françaises arrivent encore : Pennac, Marc Villard, Bialot, Vautrin, Jonquet, Daeninckx...
Suivent, une interview de Patrick Raynal (une magnifique photo avec James Crumley à Marseille) puis un texte d'Aurélien Masson et une partie portfolio, une autre faite d'archives magnifiques, entre lettres manuscrites, coupures de presse et projets de publicité.
Un livre somme indispensable pour tout amateur de romans noirs, pour tout amateur de littérature simplement. Avec une iconographie assez rare.
C'est l'histoire de la Série Noire, éd. Gallimard, 260 pages, 29 euros.