Littérature noire
15 Février 2016
Marcus Malte, auteur grandi à l'ombre des chantiers navals de sa chère ville de La Seyne, a conservé de son enfance, de son adolescence, un regard attendri sur le monde et ses hommes. Depuis Garden of love, il s'est fait une spécialité des êtres en équilibre, au bord du gouffre, laminés par la vie. Dans Fannie et Freddie, l'an passé, il avait peut-être atteint une sorte de summum dans le roman noir et social. Il revient cet hiver, chez ses amis d'In8 (où il a écrit le génial et angoissant Cannisses) pour deux nouvelles publiées il y a quelques mois au Monde et réunies sous le titre Far West. La première, intitulée Les cow boys, est un petit bijou mêlant le non sens, l'enquête policière mais aussi le racisme ordinaire au sud des Etats-Unis. C'est que Marcus Malte se téléporte avec une facilité déconcertante chez l'Oncle sam, on avait déjà pu le remarquer avec Fannie et Freddie. Cette fois, il débarque dans une petite ville où des témoins appellent le bureau du shériff pour signaler un type qui se promène avec un lézard en laisse ! Ou bien est-ce un varan ? Enfin, en tout cas, cela fait flipper pas mal de monde. Dan, shériff fan de Marvel, fait peu de cas de ces signalements, habitués aux signalements les plus fous. Aux situations les plus absurdes, comme sa soeur qui veut apprendre le tir à sa fille aveugle ! Et puis, quelques jours plus tard, il tombe sur le van qui correspondrait au propriétaire du reptile... En quelques mots, quelques phrases, l'auteur glisse un sourire ou une grimace, oscillant, dans cette nouvelle, entre le comique et la tragédie la plus incroyable. " Vingt ans plus tôt, on trouvait encore une douzaine d'exploitations par ici. Autant de familles qui vivotaient en faisant pousser du maïs et des patates. Et puis les gans avaient fichu le camp les uns après les autres. Un tas de choses fout le camp. Il reste des champs en friche?. La dernière ferme habitée était celle de ma frangine et je ne lui donnais pas cinq hivers avant de tomber en ruine. Janice ne cultivait rien. Tout ce qui sortait de terre autour de chez elle, c'était des carcasses de Buick et de Chevrolet que Hal-le-bricoleur avait eu un jour l'intention de retaper. Le crabe ne lui en avait pas laissé le temps. " Ces 40 pages sont d'une originalité pétillante, prouvant à quel point Marcus Malte est un écrivain bien perché et particulièrement doué.
Les indiens, en comparaison, semble plus classique. Un braquage qui tourne mal. Un trio qui revient sur son passé, la manière dont il se sont rencontrés. L'occasion pour Malte de dessiner quelques destins, quelques trajectoires chaotiques dans une société française impitoyable. On retrouve son côté engagé, très social, décryptant les enfances bafouées, les jeunesses sacrifiées, qui mènent au pire des scénarios.
Retrouver cet auteur, trop sous estimé, c'est vraiment la garantie de ne jamais être déçu ou lassé.
Far West, édition In8, 79 pages, 12 euros.