Littérature noire
4 Février 2016
" Cette fois aussi il y aura deux issues possibles pour nous : la plupart d'entre nous mourront en octobre et lors du violent cataclysme qui s'en suivra, et beaucoup d'autres plus tard. La mort subite contre la mort lente; l'instantané certain contre le progressif et l'imprévisible. " Tome II de la trilogie Dernier meurtre avant la fin du monde, J - 77 respecte une fois de plus toutes les promesses du premier opus. Un vrai régal de livre catastrophe, un grand roman de divertissement anxiogène mais aussi un chouette livre d'actions, tout simplement.
Donc, il y a quelques mois, un astéroïde de 6, 5 kilomètres a été aperçu dans l'univers. Plus récemment, sa courbe a montré qu'il frapperait la Terre. Et encore plus récemment, dans le tome 1, les scientifiques ont dévoilé que c'est au Pakistan qu'il s'écraserait, avec des conséquences terribles sur toute la surface du globe. Un peu comme pour l'extinction des dinos. Depuis, le monde vit dans le chaos, à qui se suicide, s'enfuit, va sur une île, disparaît... Evidemment, les Etats-Unis n'échappent pas à la débandade, à la panique. Henry Palace, trentenaire, ancien policier de la ville de Concord, reste quasiment stoïque, convaincu que s'affoler ne fera pas reculer l'astéroïde. Une attitude quasi britannique. Et puis, comme dans le premier tome, il doit encore retrouver quelqu'un. Cette fois, c'est le mari de son ancienne nounou, celle qui sentait si bon la cannelle et le chewing gum. Un époux qui a quitté, assez curieusement, les forces d'élite pour travailler dans la pizzeria de son beau-père. Sur sa route, Palace va croiser ses vieux amis, également ex-policiers, à la philosophie reposante, sa soeur, entre hippies et black blocks, persuadée qu'un complot gouvernemental est en route, sans oublier Houdini, le chien fidèle.
Très dynamique, très en phase avec l'actualité aussi, J - 77 pose l'air de rien la question des réfugiés climatiques, car, dans ce futur proche, ils sont des centaines de milliers à traverser les océans pour rejoindre un continent où l'astéroïde 2011GV1 ne tombera pas. Des migrants que les Etats-Unis accueillent à coups de mitraille. Dans le silence le plus total puisque les médias ont déjà fermé leurs portes. Alors, comment réagirons-nous à ces populations aujourd'hui menacées par la montée des eaux ? Par la progression des déserts ? Dirons-nous qu'elles sont infiltrées par des terroristes ? Prétendrons-nous que cela ne nous regarde pas... avant de communier à la messe le dimanche suivant ? De la pure anticipation.
Noir et apocalyptique, cette trilogie est particulièrement jouissive dans son humilité, dans sa volonté de divertir, tout en restant parfaitement crédible, honnête. Il n'y a pas de surenchère et même les scène d'émeute sont juste esquissées, Ben H. Winters, l'auteur, préférant se pencher sur la psychologie de son Palace, anti-héros parfait, observant avec lucidité son monde s'écrouler. Un roman vraiment à part dans les sorties actuelles, pas parce qu'il est écrit avec un génie transcendant, non. Parce qu'il redonne le goût des bonnes séries B. Des meilleures séries B. Le dernier tome est prévu dans le courant de cette année 2016.
J- 77, Dernier meurtre avant la fin du monde (trad. Valérie Le Plouhinec), édition Super 8, 328 pages, 18 euros.