27 Mars 2016
Dans ce village de l'Ariège, l'air de la campagne n'apaise pas les tensions. Et c'est comme si tout le monde s'était mis à partir en vrille au même moment. Il y a Antonin, maton retraité, qui ne supporte plus sa femme, Martine, qui l'a forcé à vivre dans ce trou paumé. Martine d'ailleurs, vient de retirer tout leur argent liquide de la banque et verrait bien le maire la débarrasser d'Antonin. Mais ce serait oublier Coralie, la secrétaire de mairie, encore vierge et bientôt intégralement épilée (!), qui vient d'entendre ce sombre projet. Et puis il y a Rémi, passablement frappé, qui exhume le cadavre de sa femme pour lui parler. Loïc, amoureux de Baptiste, le fan de Status Quo, qui veut faire la peau d'Antonin...
Avec Le bal des frelons (2010), Pascal Dessaint sert une galerie de personnages, tout d'abord déglingués mais surtout détestables. Des gens " normaux " qui sont réellement viciés, soit par la vengeance, soit par l'appât du gain, soit par la rancoeur. Antonin est ainsi un personnage d'une fourberie rare, d'une méchanceté complète, planquée derrière deux courbettes et un sourire : " Martine avait roulé des yeux, se demandant à haute voix si je n'étais pas plutôt atteint de la maladie d'Alzheimer. Que je n'ai plus parlé de nos économies pouvait la confirmer dans son opinion. Je me comportais gaiement. Il me semblait que j'avais rajeuni. Cela tenait sans doute au fait que j'avais trempé mon biscuit. Martine était devenue aussi appétissante qu'un sandwich SNCF mais je n'avais pas eu le choix. " Seul résiste à cette avalanche de bassesses humaines, Maxime, honnête apiculteur, surtout inquiet de l'usage des pesticides dans la région et de l'arrivée du frelon asiatique. En guise d'hyménoptères dangereux, ce sont finalement les humains qui vont faire le plus de dégâts dans ce bal mortel. Bien plus aussi que l'ours signalé ici et là.
Pascal Dessaint a l'humour et le regard décalé nécessaires, voire indispensables, pour que son roman ne passe pas pour une charge contre le monde rural mais bien pour une charge contre l'humain en général. L'auteur observe cette demi-douzaine de personnages s'agiter comme il le ferait de quelques insectes prisonniers d'un bocal. Avec cette narration qui va de personnage en personnage - sa marque de fabrique - Dessaint a tout le loisir de donner libre cours à sa plume élégante et mordante. Un roman avec plein de dingos, du fait divers comme s'il en pleuvait, une tranche de philosophie naturaliste... que demander de plus ?
Le bal des frelons, ed. Rivages, 254 pages, 7, 50 euros.