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The killer inside me

Littérature noire

Treize marches : le cauchemar des exécutions capitales au Japon

Treize marches : le cauchemar des exécutions capitales au Japon

Il y a une dizaine d'années, l'excellent libraire Christophe Dupuis livrait quelques plaisirs récents de lectures. Parmi lesquels Natsuo Kirino. Grande dame du roman noir avec son Out, puis Intrusion... Mais depuis, les auteurs japonais sont, à vrai dire, trop rares chez nous (on ne va pas encore parler de Murakami !). C'est donc avec un certain appétit qu'étaient attendues ces Treize marches, de Kazuaki Takano.

Ryô Kihara est dans le couloir de la mort, au centre de détention de Tokyo, depuis une dizaine d'années. Reconnu coupable du meurtre du vieux couple Utsugi, massacré à l'arme blanche dans leur petite maison à flanc de colline. Problème, Kihara ne se souvient de rien : il a été retrouvé inanimé à une centaine de mètres des lieux, le jour-même, inconscient, victime d'un accident avec sa moto. Perte de mémoire totale. Sauf que la police a retrouvé sur lui les papiers des victimes. Son passé de délinquant a fait le reste. Dix ans plus tard donc, un avocat, payé par un riche homme qui souhaite rester anonyme, charge un maton, Nango de trouver les preuves de l'innocence de Kihara. Nango choisit le jeune Jun'Ichi, qui vient de finir sa détention après un homicide involontaire, de l'aider dans son enquête. Les deux hommes vont apprendre à se connaître, retisser l'instruction de l'époque, avec leurs moyens, leur énergie. Et approcher de la réalité des faits.

Il faut être honnête, Treize marches n'est pas trépidant pour son intrigue. Même si Takano s'emploie avec un certain talent à brouiller les pistes, à perdre son lecteur dans les faux-semblants, les faux suspects aussi. Finalement l'enquête, assez classique, passe au second plan. Ce qui assomme le lecteur, et le lecteur occidental, voire européen, sans doute plus qu'un autre, ce sont tous les mécanismes de la peine de mort au Japon. Car finalement, de ce côté-ci de l'Atlantique, dans notre belle Europe, on s'insurge, la main sur le coeur, des peines capitales prononcées aux Etats-Unis mais on oublie vite qu'à Tokyo, on pend encore ! Et Kazuaki Takano livre un très vibrant et très efficace plaidoyer pour la fin de ce système. En racontant comment ces condamnés à mort attendent le jour fatidique sans savoir la date de l'exécution. Tendant l'oreille à neuf heures du matin pour écouter les pas des gardiens qui entrent dans le couloir et qui s'arrêteront, ou pas, devant leur cellule. Subissant les hurlements dantesques du condamné désigné : " hurlements bestiaux - vociférations surhumaines. Bientôt s'ajoutèrent des bruits de pets foireux, des échos aqueux désagréables, comme quelqu'un qui pataugerait dans une flaque. Un concert dissonant aux tonalités stridentes. " Dès les premières lignes, l'auteur met la pression.

Et cela ne s'arrêta jamais au fil de ces 350 pages. Avec notamment une longue et précise description des deux exécutions auxquelles Nango a participé. Des pages étouffantes. Où l'inhumanité atteint aussi de plein fouet ces fonctionnaires de la pénitentiaire, forcés, ensuite, de se saoûler jusqu'à vomir pour seulement oublier, quelques heures, leur geste. Et comme si ce n'était pas suffisant, Takano trace aussi le parcours d'un simple condamné comme Jun'Ichi, perclus de remords, de questions : dommages et intérêts exorbitants pour la famille de la victime, obligation de présenter physiquement ses excuses à la sortie de la détention... Poids de la société. Absence de compassion. Et peu de respect pour la seule dignité humaine.

Roman qui prend aux tripes, tant l'auteur a su faire sien le drame de la peine de mort dans son pays, Treize marches (vendu tout de même à 400 000 exemplaires au Japon) ne ressemble à rien de ce qui est actuellement dans les rayons de votre libraire. La narration est singulière - mais délicieuse, les dialogues sont eux aussi uniques mais surtout, cette société nippone n'en finit plus de fasciner. A découvrir d'urgence.

Lire aussi l'excellente chronique d'un spécialiste en la matière http://http://leventsombre.cottet.org/service-de-presse/treize-marches

Treize marches (trad. Jean-Baptiste Flamin), ed. Presses de la cité, 357 pages, 21 euros.
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