28 Septembre 2016
Avant Plateau, avant Grossir le ciel, Franck Bouysse avait déjà une carrière d'auteur. Et c'est donc assez naturellement que La Manu ressort Vagabond, paru il y a trois ans chez les belles éditions Ecorces. Vagabond, c'est l'Homme. Un joueur de blues qui se trimballe sa guitare dans le dos, qui joue dans les rares clubs qui acceptent encore de la bonne musique live. L'Homme c'est surtout un être brisé, pour le coup qui incarne à merveille le blues : alcool, mutisme, vie nocturne et fantômes de femmes. Enfin fantôme pas tout à fait lorsque l'Homme recroise la route d'Alicia un amour d'il y a une dizaine d'années, qui l'a laissé tomber pour vivre sa carrière, apparemment réussi, de chanteuse. La revoir va le rendre fou, le faire s'interroger encore plus profondément.
Plus que jamais Vagabond pose Franck Bouysse comme un vrai esthète de la langue française, un poète du noir. Sur les 85 pages de ce roman en forme d'errance tragique, l'auteur creuse son style à la fois très organique et lumineux, " il pensait alors qu'il y avait des êtres dont la présence sur terre suffisait à charmer l'humanité entière ". Comme un vrai guitariste de blues, Bouysse met un capo sur ses mots et les fait diablement sonner. Il ne fait pas que de simples accords, il joue la "septième" et c'est ce qui fait sa différence, ce qui en fait un authentique bluesman. Si la douleur sourde par tous les pores de l'Homme, on sent une certaine beauté, une grande humanité, chez ce musicien pas épargné par la malchance. La plume de Franck Bouysse a un vrai ADN, il écrit du roman noir en fouillant comme personne, les coeurs et les âmes de ses personnages. Et sur Vagabond, il réussit une fin qui en surprendra plus d'un.
Vagabond, ed. La Manufacture de Livres, 85 pages, 9 euros.