18 Octobre 2016
Sybille et Samuel chevauchent dans les plaines du Khirgizistan. Ils plantent leurs tentes où ils peuvent, croisent des nomades hospitaliers mais aussi des voleurs de chevaux, s'offrent un galop en fin de journée. Une communion avec leurs montures mais aussi avec cette Nature qui les entoure, ni belle, ni repoussante, mais sauvage, ça oui. Pourtant Sybille et Samuel, la mère et le fils, sont tout sauf en voyage d'agréments. Ces vacances, longues, de trois mois au départ, sont là pour reconstruire le lien et sauver Samuel, coupable d'une lente chute vers la petite délinquance, avec son look de skin et son attitude lamentable quand ses potes ont quasiment violé une fille sous ses yeux. C'est que Samuel a mal supporté le divorce de ses parents et son exil à Bordeaux avec cette mère quasi dépressive. A 16 ans, ça fait mal. Le père, lui, est un tocard de première, peu présent, égoïste. Mais Sybille a du courage, de la volonté pour sortir Samuel de son enfermement. Elle sait que les chevaux étaient leur passion commune. Ce voyage peut changer bien des choses.
Magnifique roman d'aventure, d'initiation, Continuer est une ode au courage des femmes qui se battent pour leur progéniture, pour assurer leur avenir, dans les meilleures conditions. Laurent Mauvignier écrit merveilleusement ce lien entre l'ado rebelle et la mère, de gauche, mais avec beaucoup d'illusions cramées à la bougie de la réalité. Sans trop de lyrisme mais avec un brin de poésie et beaucoup de force, Continuer s'impose comme un livre extrêmement bien senti sur ces relations familiales si compliquées, si dramatiques parfois. L'auteur utilise, en filigrane, l'actualité, pour contextualiser le propos mais c'est dans les pages auprès des chevaux qu'il se montre le plus puissant, " alors on se lance à corps perdu, le corps penché sur le cou du cheval, le nez et la bouche en prise avec la crinière et les mains refermées sur les touffes de crin, les jambes plaquées contre les jambes qui s'agitent et les muscles qui roulent et les chevaux comprennent et s'élancent en fendant le vent. " Sans être un roman équin, il y a une forme d'équithérapie dans ce périple au bout du monde, un lien à l'animal qui dénoue les tensions. Qui fait du bien aux lecteurs.
Un roman français de haut niveau avec une fin au diapason.
Continuer, éditions de Minuit, 239 pages, 17 euros.