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The killer inside me

Littérature noire

Tropique de la violence : Mayotte théâtre d'un roman presque noir

Tropique de la violence : Mayotte théâtre d'un roman presque noir

La "blanche" s'encanaille. Outre Chanson douce de Leila Slimani chez Gallimard, authentique thriller (lire la belle chronique de l'ami Philippe http://http://www.leventsombre.org/litt%C3%A9rature-d-ici/note-de-lecture/slimani-leila/chanson-douce), voici donc ce Tropique de la violence, par Nathacha Appanah, roman déjà promis, semble-t-il, à un beau succès, à défaut de quelques lauriers glanés dans des prix ici ou là. C'est que, à la lisière du roman noir, l'histoire est forte, violente comme son titre l'indique. Et sans fard. Si le roman s'ouvre, quasiment, sur le meurtre de Bruce par Moïse, le cadre, capital, est celui de Mayotte, île confetti bien connue pour ses énormes difficultés sociales et son immigration comorienne qui a enclenché tout un tas de pépins corollaires, que ce soit sanitaire ou évidemment sécuritaire. L'île ploie sous les vagues de miséreux venus chercher sur ce bout de France, un peu de boulot et à défaut, des papiers, pour obtenir quelques subsides. C'est là que débarque Marie, infirmière mariée à un Mahorais. Pendant plusieurs années ils vont essayer d'avoir un enfant. Mais le paradis tropical des premières années se transforme en enfer car la jeune métropolitaine constate qu'elle n'est pas fertile. Son homme la quitte et à ce moment-là, dans une des ses nuits de garde, une immigrée laisse à Marie un nourrisson, aux yeux vairon. Qu'elle baptisera Moïse. Un gamin qui va découvrir ses origines, tenter de se construire avec. Jusqu'au jour où sa mère décède de ce qui semble un AVC. Moïse prend la poudre d'escampette, se réfugie dans le bidonville de Gaza, auprès de Bruce, le jeune caïd du coin.

Tropique de la violence est clairement l'histoire de ce paradis perdu, de cet Eden (surtout pour les Français venus de l'hexagone, primes, aides, salaires...) noyé sous une immigration jamais maîtrisée et une violence juvénile incontrôlable. Evidemment certains passages sont très difficiles à encaisser pour un lecteur non averti. En littérature noire, il existe des scènes souvent au bord de l'insupportable. Ici, la séquence du viol collectif frôle l'indécence. C'est un peu ce que l'on pourrait d'abord reprocher au livre de Nathacha Appanah : un manque de contrôle. Elle a voulu tout dénoncer mais au final elle ne dénonce que la violence. Pas tant la situation globale. En ne s'intéressant qu'à des délinquants de la pire espèce, elle démontre bien la situation explosive mais rien d'autre. En même temps, en 175 pages, difficile de faire plus. L'auteur laisse entrevoir autre chose, avec l'ONG de Stéphane notamment, mais elle reste trop scotchée à son récit de petites frappes. Elle s'y tient tellement qu'elle choisit d'ailleurs la fameuse règle du roman choral pour raconter. Il y a Marie, Moïse, Olivier, Stéphane mais aussi Bruce, jeune caïd qui, mort, continue d'interpeller le lecteur ! Un procédé auquel il faut adhérer au risque de trouver cela un brin tiré par les cheveux. Parce que finalement Bruce profite de cet état de fantôme pour se livrer. Sauf qu'il ne dit pas grand chose. On aurait aimé que Nathacha Appanah nous raconte Moïse plus profondément encore, son malaise de métis éduqué par une blanche dans une société noire en totale déconfiture, qu'il raconte ces inégalités, ce post-colonialisme, bref ce scandale du Pacifique.

Par ailleurs, petite précision, Appanha écrit dès la première page, " je vois des hommes et des femmes nager avec des dugongs et des coelacanthes ". Sauf erreur, le coelacanthe, espèce de poisson préhistorique dans le canal du Mozambique, évolue à près de 300 mètres de fond. Difficile de faire un crawl avec eux non ?

Tropique de la violence, ed. Gallimard, 175 pages, 17, 50 euros.
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