Littérature noire
15 Novembre 2016
La terreur. Chez un mari et père qui vient de voir sa femme, la mère de ses enfants, prendre la voiture et disparaître en pleine tempête de pluie, dans un village du sud de la France. Elle est partie sans un mot, sous le déluge. Liz aime Jean, leur amour ne fait aucun doute, tout semble baigner dans leur couple. Alors pourquoi ne réapparaît-elle pas ? La voiture, si, le lendemain, coincée dans un gué. Et finalement le corps de l'épouse aussi, dans un bras du ruisseau plusieurs jours après. Jean est comme foudroyé. Cherche une raison. Trouve le numéro d'un certain Markus sur un marque page. Un numéro en Belgique. Qui correspond au premier mari de Liz, chercheur en pharmacie, co-propriétaire avec Liz justement d'un vaste laboratoire de recherches. Markus est mourant, victime terrible d'un de ses vaccins. Jean est abasourdi. Et lève petit à petit le voile sur la double vie de sa défunte épouse, sur les personnes que leur petite société immobilière accueillait comme locataires, des hommes et des femmes en réinsertion aiguillés par Le Révérend, leur plus vieux locataire...
Eric Maneval ne connaît pas l'expression round d'observation. Son nouveau roman, Inflammation, frappe de suite au foie. Une scène de panique intime qui en vient à obséder le lecteur et traduit bien l'immense désarroi de ce Jean, bon gars, travailleur, honnête, aux prises avec l'histoire méconnue de la femme qui a partagé son lit pendant une douzaine d'années. L'auteur marseillais dans un style très élégant, utilisant cette première personne génialement subjective, et sur un rythme échevelé, aborde la question de l'autre dans le couple mais surtout celle de l'industrie pharmaceutique, ses expériences, sa puissance. En filigrane c'est sans doute cet univers ultra-libéral qu'il pointe du doigt mais heureusement sans en faire des caisses. Inflammation est avant tout un poignant roman noir, entre course contre la montre et complot industriel, mâtiné d'un brin de paranoia, d'ambiance sectaire et d'un beau portrait de famille. On peut reprocher à Maneval, un roman tout de même très court, parce que le lecteur se serait sans doute régalé d'une centaine de pages supplémentaires. Mais voilà, le postulat de départ, l'histoire même, implique cette rapidité. Un sacré coup de fouet. Qui donne maintenant envie de lire Retour à la nuit, son précédent roman (aussi court !) tout juste sorti en poche.
Inflammation, ed. La manufacture de livres, collection Territori, 182 pages, 16, 90 euros.