Littérature noire
18 Février 2017
Attaque massive et coordonnée sur les Champs-Elysées. Un groupe de rebelles met à sac l'immeuble Vuitton, flambant au passage plusieurs CRS, avant de se replier vers la Seine Saint-Denis. Après ce coup d'éclat militaire et stratégique, l'organisation 93 Panthers décrète l'indépendance de ce département et déclare la guerre au gouvernement français, lui demandant de retirer ses représentants.Quelques jours plus tard, le député-maire de Seine Saint-Denis est flingué devant les caméras par un enfant. Bawer, responsable sécurité du pays prend contact un peu partout, en France et dans le monde, pour contrer ce terrorisme. Pendant ce temps, dans la ville d'Angers, un autre groupe, clairement plus blanc, fomente une prise d'otages...
93 Panthers n'a pas peur du ridicule et mixe un galimatias rebelle où se côtoie autant Napoléon que Booba (!), autant Plutarque que la Bible. Surtout, à l'heure des manifestations pour le jeune THéo, 93 Panthers est tout sauf un livre sur la banlieue. Il s'agit plus d'un fantasme de comptoir, la Seine Saint-Denis indépendante, que d'une analyse sociale ou politique de la couronne parisienne. Le fond du livre ne fonctionne pas un instant, avec cette organisation militaire qui fait penser, à force d'insister, à l'agence tous risques. Jiliali Hamham tente bien d'intégrer la conversion du chef à l'islam dans l'histoire mais cela tombe comme un cheveu sur la soupe. Donc outre la couverture passablement racoleuse, on a du mal à penser que les jeunes de banlieue qui sont aujourd'hui dans la rue puissent se reconnaître. Surtout qu'il y a ce volet donc angevin totalement improbable, pour ne pas dire incompréhensible en terme de narration. Enfin il y a ce personnage de Bawer lui aussi vraiment énigmatique qui va chercher du shit empoisonné pour tuer la rebellion puis passe par New-York pour discuter accords internationaux de sécurité. Deux scènes sans aucune influence sur l'issue.
Et question forme, 93 Panthers n'est pas mieux, multipliant les punchlines comme des slogans : "le visage de l'officier, déjà tuméfie, fit office de sculpture et le casque de burin... les politiques de notre époque, ils font quatre ou cinq ans de droit et ils passent le reste de leur vie à la faire à l'envers...le chemin de fer souterrain a ceci de commun avec le monde carcéral, il déshumanise... tu sais bien que la guerre met à genoux la politesse... le vote ne paie pas alors on prend le fusil... l'entraînement difficile rend la guerre facile..." Et ainsi de suite. Indigeste au possible. Ni banlieue, ni terrorisme, le roman hésité entre les deux et se noie très vite.
Enfin, il faudrait être précis. Ce n'est pas parce que l'on n'est pas Corse que l'on doit ignoré le sens du mot plastiqué. Une villa qui est plastiquée c'est une villa qui a sauté. Quand le groupe angevin place du C4 sur les portes de l'hôtel de ville, il ne plastique pas, il piège. C'est vraiment différent. Etonnant de lire cela chez Rivages...
93 Panthers, ed. Rivages, 246 pages, 20 euros.