Littérature noire
28 Février 2017
William Gay (1941-2012) a été un auteur tardif. Connaissant le succès, une fois la cinquantaine passée, grâce à La mort au crépuscule et surtout l'excellent La demeure éternelle (il y a quelques temps). Pour Petite soeur la mort, c'est Tom Franklin qui se charge de la préface de l'édition française. L'auteur sudiste raconte son amitié avec William Gay, comment celui-ci s'était également rapproché de Cormac Mac Carthy dont il admirait le travail, lui l'ancien soldat du Viet Nam, l'ouvrier. En quelques nouvelles, et trois romans (au moins ceux traduits en France), William Gay s'est fait un nom. Et Petite soeur la mort (son dernier) donne encore une autre dimension à son talent. Originaire de ce Tennessee qu'il n'a jamais quitté, il s'est là, attelé à raconter l'histoire de la sorcière Bell à sa manière. De ce conte terrifiant, que l'on se passe comme un patrimoine de cet état, William Gay fait (aussi) un roman sur la création littéraire. Son personnage, David Binder, est un auteur qui, après un premier succès phénoménal, peine à enchaîner. Son agent lui conseille d'écrire d'abord un roman facile, quelque chose de simple, une histoire d'horreur. Il va donc loger dans le manoir, supposé "habité" de la famille Beale. Et non pas Bell ici. Evidemment, l'ambiance des lieux va peser sur Binder et sa femme. Ou peut-être est-ce leur situation financière ? Ou les circonstances de la mort du beau-père de David ?
William Gay sait alterner les narrations, remontant les décennies pour narrer les malheurs des anciens propriétaires, ponctuant ses scènes anciennes de quelques visions ectoplasmiques, quelques nuits à ne pas fermer l'oeil, tandis que son auteur, dans le monde actuel, a surtout peur des innombrables serpents de cet été caniculaire. Mais il y a aussi des apparitions et cette drôle de version d'un épisode de Winnie l'Ourson où Porcinet fracasse la tête de ses camarades à coups de hache ! L'angoisse s'installe. " La nuit était porteuse de rêves de fléaux anciens que le matin ne parvenait pas à dissiper entièrement." La prose de Gay est toujours aussi incisive, inquiétante, les humains se montrant peu rassurant et la nature franchement inquiétante y compris dans sa normalité. Le thème de l'écrivain en panne, lui, n'est pas passionnant c'est vrai, les tribulations d'un auteur ne feront jamais autant rêvées que les aventures de Lemmy Kilminster ou George Best, mais le côté fantastique du roman l'extrait de toute normalité. Si on excepte un moment où Gay s'imagine qu'une maman serpent allaite ses petits (problème de traduction monsieur Gratias?!), on retrouve là la précision de La demeure éternelle et tout le substrat d'un monde rural dur, pétri de croyances, de superstitions. Pas étonnant donc que Ron Rash l'ait apprécié. A noter, en fin de roman, l'aventure personnelle de l'auteur avec cette sorcière Bell, très connue aux Etats-Unis (pour en savoir plus).
Petite soeur la mort (trad. Jean-Paul Gratias), ed. Seuil, 270 pages, 19, 50 euros