Littérature noire
2 Juillet 2017
Il est l'un des patrons du 9e art depuis une dizaine d'années. Christian de Metter a remis les vraies couleurs, le dessin précis et profond au coeur de la bande dessinée. On se souvient de Figurec, Scarface, Marilyn, et puis Shutter Island, Piège nuptial. Parce que oui, ce dessinateur génial aime vraiment beaucoup les adaptations, de romans noirs notamment. Presque normal donc d'adapter Au revoir là-haut, le Goncourt de Pierre Lemaître (en 2013). Il y avait tout pour le séduire. Et le romancier cherchait justement un dessinateur qui sache aussi scénariser. Banco, les deux hommes ont réalisé une BD somptueuse. Peu loquace, Au revoir là-haut se passe essentiellement dans les regards et De Metter a, pour cela, une technique bluffante, une force d'évocation inégalable. L'histoire, pour mémoire, est celle de deux amis, Albert et Edouard, revenus de la Grande Guerre. Le premier a du mal à se faire payer sa pension tandis que le second, défiguré par une balle, vit "au crochet" de son camarade, fidèle comme pas un. Dans cet après-guerre, favorable aux escrocs, ils vont se payer "sur la bête". Le scénario est bien sûr impeccable, toujours bien maîtrisé, mais dans mise en dessins, outre donc les regards, il y a des scènes d'intérieur joliment rendues, chez le père d'Edouard, mais aussi dans ce restaurant tellement parisien entre Albert et Pauline, sans oublier les vues de l'appartement de Pradelle. Le dessin de De Metter est un dessin de profondeur, d'un humanisme débordant, qui tient autant de la peinture de haut niveau que de la bande dessinée. Une réussite.
Au revoir là-haut, ed. Rue de Sèvres, 168 pages, 22 euros.