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The killer inside me

Littérature noire

Ce qu'on entend quand on écoute chanter les rivières : émouvant premier roman

C'est une prouesse littéraire que réalise Barney Norris, 30 ans, avec son premier roman Ce

qu'on entend quand on écoute chanter les rivières. Sur le thème rebattu du sens de la vie, de la solitude, des existences difficiles pour X raisons, l'auteur anglais tisse un émouvant canevas de vies qui se croisent dans la petite ville de Salisbury, lieu de naissance justement de Barney Norris. C'est sans doute ce qui fait le charme, la force émotionnelle de ce roman, l'auteur dépeint la ville comme un puissant aimant, une bourgade moyenne gentiment provincial, avec ses champs, son église magnifique et, tout proche, Stonehenge. Tranches de vies d'aujourd'hui, Ce qu'on entend... laisse aussi planer quelque chose de magique, un soupçon d'alignement des planètes.

A Salisbury, Rita mène une existence bohème, pas la plus belle fille quand elle était jeune, elle est tombée amoureuse et enceinte trop vite. Aujourd'hui, la cinquantaine, seule, elle vivote d'un boulot de marchande de fleurs. Et deale un peu d'herbe. Jusqu'au moment où elle se fait attraper. Elle risque de perdre son stand de fleuriste. Veux avertir son fils qui lui a tourné le dos. Prend sa vieille mobylette. Et se fait percuter... Sam, lui, sort à peine de l'adolescence. Fils d'un cordonnier mutique, atteint d'un cancer foudroyant, en même temps que la douleur de la perte du père, il découvre l'amour pour la plus belle fille du lycée. Ce jour-là, il sera devant le magasin désormais fermé de son père lorsque Rita sera fauchée sur sa mobylette. Georges, pour sa part, était au volant de la voiture qui a renversée Rita. Ce septuagénaire, héritier d'une des grandes fermes de la commune, rentrait tout juste de l'hôpital où sa femme venait de s'éteindre. Et il y a Alison, qui attend que son mari rentre de la guerre au Moyen-Orient, seule, avec son grand fils venu la voir pendant les vacances. Enfin Liam, cinquième pilier de l'histoire, témoin de l'accident, jeune homme revenu à Salisbury où ses parents l'ont fait grandir.

Cinq existences, des solitudes différentes, des craintes face à la mort, l'abandon et plus globalement la vie, " ce que je sentais autour de moi, c'était la peur de la mort. Tu dois vivre avec constamment, j'en suis bien consciente; c'est tellement plus réel et plus immédiat pour toi. Moi, je l'éprouve par intermittence depuis mes vingt ans. Je ne me souviens pas d'avoir eu peur avant. En fait, je pense que j'avais vingt et un ans précisément, le jour où j'ai réalisé que j'étais mortelle, que j'ai compris ce que ça signifiait." Ce qu'on entend... a une profondeur sincère, bouleversante, s'attachant à ces cinq personnages avec une vraie compassion et une belle délicatesse. Barney Norris aime autant sa ville natale que ses habitants, aucun cynisme, juste le regard tendre d'un jeune homme qui se pose, le temps de voir le monde tourner, évitant les scènes lacrymales, les happy end faciles. Parfois dur, souvent poétique, ce premier roman a la beauté des grands films de Claude Sautet. Et, avec cette narration croisée, où cinq vies s'entrechoquent sans se voir, si elle n'est pas de la première originalité, elle est tout de même diablement efficace et maîtrisée.

Ce qu'on entend quand on écoute chanter les rivières (trad. Karine Lalechère), ed. Seuil, 301 pages, 20 euros.
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