Littérature noire
4 Août 2017
1955. Jim Thompson a 49 ans et est au sommet de sa création littéraire. Entre 53 et 54, son
éditeur Lion, a publié neuf de ses romans, dont Les alcooliques, Nuit de fureur, Monsieur Zéro, Une jolie poupée... Cette même année 55, il est appelé par Kubrick pour le scénario de L'Ultime Razzia. Big Jim est en grande forme quand il sort La mort viendra, petite, condensé de toute la schizophrénie thompsonienne, exemple même du roman noir américain. Le personnage principal de Kid Collins est ainsi un lointain cousin du détectivre privé Dingo McKenna, d'Eliminatoires, et il a aussi une parenté avec le malheureux Toddy Kent, d'Une combine en or. Parce que Kid Collins est une victime de ce monde. Ancien boxeur, il a raccroché les gants le jour où il a tué un adversaire sur le ring. Poursuivi par la police, il a ensuite erré de services psychiatriques en maisons de soins. Avant de s'enfuir. Pour gagner le sud, il tente de se faire prendre en stop dans les diner des stations services, racontant toujours la même histoire. Et puis voilà, Fay, la trentaine fortement alcoolisée, qui l'embarque chez elle. Une folle, perdue. Bien plus que lui. Elle lui présente Oncle Bud. Qui expose un juteux projet de kidnapping d'enfant de riches. Kid Collins conserve un fond de morale, sait que cela est trop tordu, trop... mal ? Il pourraitt s'en tirer en rejoignant le sympathique docteur Goldman, seul ami qu'il ait vraiment croisé ces dernières années. Mais l'attraction de Fay est trop forte. Il marche dans le kidnapping." En chaque homme il y a quelque chose qui le pousse à continuer longtemps après qu'il a perdu toute raison de le faire."
Femme fatale portée sur le malt, vieil escroc de troisième zone, banlieue sans charme et anti-héros ultime, l'univers de Jim Thompson est ici bien résumé. Kid Collins n'est pas un vrai schizo, il a juste du mal à maîtriser sa "brume rouge" quand il s'énerve. C'est un boxeur. Et pas une ordure. Il va soigner le gamin enlevé, il va le protéger, profiter même d'un ultime coup de chance à la fin. Un clin d'oeil du destin qui lui dit qu'il a grillé son dernier atout. Ecrit à la première personne, comme les meilleurs romans de Thompson, La mort viendra, petite, suinte la déveine, le destin tordu, la culpabilité mais aussi le déterminisme. L'issue de Kid Collins semble ainsi s'écrire dès les premières pages " j'ai senti - j'ai su - que je n'aurais jamais dû entrer ici. Je ne devrais jamais aller nulle part où les gens risquent de ne pas se comporter gentiment et poliment avec moi." Une adaptation cinéma en a été tirée, en 1990, avec Jason Patric, mais les critiques n'ont pas semblé emballées... Reste le roman. A redécouvrir.
La mort viendra, petite (trad. Luc Chomarat), ed. Rivages, 214 pages, 8 euros.