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The killer inside me

Littérature noire

William Boyle : " ce n'est pas un métier facile "

 

 

Joli marathon pour William Boyle venu pendant une semaine défendre du nord au sud de l'hexagone, Tout est brisé, sorti il y a quinze jours aux éditions Gallmeister. Ce dimanche matin, le quadragénaire américain a pris l'avion de six heures depuis Bastia, pour Paris. Puis vol vers Atlanta. Et le Mississippi où il vit désormais. Lui, l'enfant de Brooklyn qui écrit si bien sur ce quartier. Au point que son premier roman, Gravesend (2016, Rivages) s'était vendu à 10 000 exemplaires dans l'hexagone. A l'occasion de Libri Mondi, rencontre caféinée avec un auteur bavard, disponible et heureux de faire ce métier, même si...

Vous avez décidé de suivre François Guérif et donc de quitter Rivages pour Gallmeister. Un choix évident ?

Je connaissais bien les éditions Gallmeister parce que l'un des auteurs que j'aime le plus, Larry Brown, y est édité. Mais j'ai aussi quelques connaissances, comme Benjamin Whitmer, et aussi Todd Robinson que je connais surtout par rapport aux réseaux sociaux. Pour moi, il s'agissait aussi d'être fidèle à François Guérif... mais oui, quitter Rivages, où je connais aussi plusieurs auteurs, n'a pas été aussi simple. Etre le numéro 1000 de la collection, pour Gravesend, c'était quand même un honneur.

Comment se fait-il que Tout est brisé sorte d'abord en France avant les Etats-Unis ?

J'espère qu'il va aussi sortir aux USA !... Mon agent m'a demandé d'écrire deux ou trois romans courts. Simon Baril, mon traducteur français, a lu Tout est brisé quand je l'ai fini et il l'a vraiment aimé. Et il l'a dit à François Guérif qui à ce moment-là quittait Rivages. Ce n'est pas fréquent de voir un roman sortir d'abord en France mais Whitmer sera dans ce cas bientôt. Et puis Jax Miller a sorti son nouveau roman, Candyland, en priorité en France.

Gravesend a été long à écrire ?

Neuf ou dix mois. Cela m'a pris du temps de conclure les premiers chapitres et ensuite j'ai travaillé vraiment vite. Je bosse tous les matins à partir de 5 heures et jusqu'à 8 heures. Je n'ai pas de pièce spécifique, j'écris un peu de partout.

L'homosexualité est présente autant dans Gravesend que dans Tout est brisé. Mais les deux jeunes hommes sont des victimes. Il y a une raison particulière ?

Je m'intéresse aux exclus, ceux de mon voisinage qui sont autant exclus de leur famille que de leur communauté. Dans Tout est brisé, ce gamin, Jimmy, homosexuel, est impacté indirectement, des années plus tard, par le crime homosexuel de Gravesend, il est un peu le descendant de la première victime. Dans le prochain livre, un roman que je viens de finir et qui sort en mai aux USA, c'est la suite de Gravesend et le personnage principal, qui était secondaire dans Gravesend, est une fille, une homosexuelle, amie d'Alexandra.

Vos racines italiennes semblent très importantes.

Oui, j'ai grandi avec le côté italien de ma famille, les Giannini, qui sont pour partie de Calabre et de Naples. Mon nom est écossais, par mon père qui est né en Ecosse, mais il est parti quand j'étais jeune. J'ai donc été élevé par les Giannini, mon grand-père, ma grand-mère. Et tous mes voisins étaient italiens. Bon ce n'est plus tellement le cas aujourd'hui dans mon quartier, c'est un peu plus chinois ou russo-américain. Mais tous les gamins qui ont fréquenté l'école catholique avec moi avait des noms italiens. J'aime la musique de ces noms de famille... La famille est vraiment importante pour moi et cela se lit dans mes livres. Le personnage d'Erica dans Tout est brisé a beaucoup de trait communs avec ma mère. Le fait de grandir entouré de mon grand-père, ma grand-mère n'est pas neutre sur l'homme que je suis devenu. Aujourd'hui j'ai fondé une famille à mon tour et je mesure la place que cela prend dans la vie.

Il y a un roman en attente, Death don't have no mercy, et d'autres ?

J'ai un roman fini qui doit être publié mais seulement lorsque j'aurais aussi terminé les romans qui vont avec. Mon idée, c'est de faire trois ou quatre longues histoires. Malheureusement, en Amérique, ils n'aiment pas les histoires courtes. Moi, oui. Voilà pourquoi Tout est brisé sort d'abord chez vous. C'est aussi pourquoi ils me poussent à faire des romans assez longs.

Tout est brisé prend le lecteur de Gravesend à contre-pied, ce n'est plus aussi noir. Une volonté ?

Je voulais faire un livre très différent. Avec un rythme assez lent, ce face à face de la mère et du fils et puis ce Franck. Au départ je voulais en faire un sale type et puis non, c'est devenu un ange alcoolique et ça a changé le cours du roman. Mais il y a un lien avec Gravesend, entre le quartier et la façon dont la violence change la vie des gens, même si ce n'est pas une violence directe. Mais c'est comme ça que ça se passe dans la vie.

Que représente Brooklyn ?

C'est la maison. Même si je ne vis plus là, c'est définitivement chez moi. C'est le quartier qui occupe mon imagination. Plus que tout autre chose. Au Mississippi, il y a la littérature que j'aime, des auteurs comme Larry Brown et puis la musique, LR Burnside, Junior Kimbrough et tout le blues de là-bas. Beaucoup d'écrivains vivent à Brooklyn, une littérature vient même de ce quartier mais je ne me sens pas dans ce courant, je voudrais parler de Brooklyn comme Larry Brown parle d'Oxford, Mississippi. En fait je suis parti pour chasser quelque chose, attraper quelque chose ici. Mais j'aime trop Brooklyn, c'est vraiment chez moi même si je n'y retourne pas un jour pour y habiter... c'est devenu très cher.

Et l'influence de Flannery O'Connor ?

L'un des auteurs que j'aime le plus. Si je suis allé dans le Sud, c'est aussi à cause d'elle, son portrait très bizarre du Sud avec son catholicisme, en fait pour moi l'un des plus grands auteurs américains. Elle m'a beaucoup apporté, éclairé sur mon catholicisme. J'ai passé douze années en église catholique je vous rappelle. Wise blood (La sagesse dans le sang), quand je l'ai lu... elle a une approche, non pas sentimentale, mais très violente de la religion. Je reste très intéressé par les artistes catholiques comme Walker Percy ou Robert Bresson qui est un des mes réalisateurs favoris.

Etre écrivain, c'est le rêve devenu réalité ?

C'est toujours ce que j'ai aimé faire, j'écrivais quand j'étais petit. Les gens que j'appréciais étaient des écrivains, des song writers, des metteurs en scène. Quand je n'écris pas ce n'est pas une bonne journée. Cela me donne un but aussi. Bien sûr, ce n'est pas un métier facile et je dois faire d'autres choses pour gagner ma vie, pour avoir une couverture sociale. C'est dur. Je connais des auteurs qui écrivent pour la télé, le cinéma, qui sont professeurs. Lehane et Pelecanos par exemple, font de l'argent, maintenant, avec le cinéma, la télé. Je suis très ami avec Megan Abbot qui vit de son art mais écrit aussi maintenant pour la télé. Ce n'est vraiment pas simple. Pensez à Jim Thompson qui a bossé pour le cinéma. Quel auteur pourtant. Pour moi, Les arnaqueurs et La mort viendra petite sont sans doute ce qu'il a écrit de mieux.

photo copyright Angèle Chavazas

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