Littérature noire
19 Octobre 2017
Wendy est un mannequin australien presque
au sommet de sa carrière. Ce soir, elle défile pour Adriano Varaldi, le maestro de la haute-couture, sur une immense place en plein Milan, devant des centaines de caméras. C'est le final, Varaldi se penche pour ramasser un bouquet de fleurs. Un coup de feu claque. Wendy s'écroule, foudroyé par la balle d'un tueur... Le charme des sirènes emporte le lecteur dans les coulisses de la mode à Milan. Et le guide est Ferraro, inspecteur du commissariat de Quarto Oggiaro, quartier populaire de la capitale lombarde. Son chef, décidé, de son côté, à faire la chasse aux squatters, aux migrants du coin, se lance dans une grosse opération de nettoyage. Ferraro est donc envoyé fouiner dans les tissus, les machines à coudre. Parallèlement, un vieil ami, Moustache, sans profession, à la rue, quitte Naples pour le rejoindre. Sur sa route de clandestins, il croise la petite Aïcha, réfugiée perdue depuis que son frère s'est fait embarquer par la maréchaussée.
Le sel du roman est bien dans son personnage principal, archétype du flic un peu rustre, coeur sur la main mais intensément italien dans ses amours, sa passion du café, son jem'enfoutisme flambant et, quelque part, cette honnêteté chrétienne. Même s'il s'en défend. Ferraro est drôle, attendrissant, développant des rapports jamais froids avec tous ceux qui l'entourent. Son enquête auprès de Varaldi, à défaut d'être révolutionnaire, ne manque pas de scènes candides et permet tout de même aux lecteurs de pénétrer ce monde, sans clichés. Gianni Biondillo déroule son histoire parfaitement, déclinant des seconds rôles attachants, que ce soit Moustache 'dans une excellente scène d'escroquerie aux funértailles) ou Mimmo, dénonçant aussi la chasse aux migrants, l'égoïsme de la société. Cela peut paraître un peu facile mais c'est bien écrit et, surtout, ce n'est pas lourd. Et puis il y a toujours, avec Quadrupanni à la traduction, quelques expressions qui restent en VO, un peu de milanais qui s'incruste dans les pages et ça, c'est vraiment jouissif, la musique de ces mots imprègne le récit plus que toute description : " inn tucc' insci brütt a Roma... möves, toglies la paja del cü ". Dans une série initiée avec Le matériel du tueur, Le charme des sirènes, deuxième épisode, sans prétention, se lit avec un vrai plaisir. Et même un peu plus.
Le charme des sirènes (trad. Serge Quadrupanni), ed. Métailié, 342 pages, 21 euros.