Littérature noire
14 Octobre 2017
Norilsk est une ville minière de la Sibérie.
Une ville de 170 000 habitants, vouée à sa mine de nickel, cuivre et palladium. Un monstre industriel interdit aux visiteurs, où les températures moyennes sont de - 20 °, descendant jusqu'à - 60°. Caryl Ferey s'y est rendu dix jours pour un reportage-livre de 155 pages pour les éditions Paulsen. Baptisé Norilsk. Cela se veut gonzo mais ce ne l'est pas. Aujourd'hui on ne peut plus faire du Hunter S Thompson. Cela pourrait s'apparenter à la Descente à Valdez de Harry Crews, mais ce n'est pas aussi génial. Norilsk c'est un entre deux. Parce que Caryl Ferey n'a finalement croisé que des habitants dans le bar, le Zaboy. Des mineurs certes mais le lecteur ne ressent pas du tout la misère de ce travail. Peut-être parce que Ferey ne parle pas le russe et que son interprète n'était pas là constamment. Peut-être aussi (on n'en sait rien il n'est guère question d'argent) parce que, finalement, aujourd'hui, travailler à Norilsk c'est un métier grassement payé au regard des autres salaires de Sibérie ou de Russie. On ne sent la détresse de vivre dans cette ville hautement polluée que par instant, quand le photographe ou la graphiste se confient sur leurs rêves de partir de Norilsk. Pour le reste, faute d'une poésie sombre qui semblait à portée, c'est l'auteur qui insiste " du Zola moderne dans le texte". Sauf que dans son texte, cela ne transparait pas. Ecrivain et journaliste sont deux métiers très différents, pour ne pas dire opposés. Là, Ferey reste un écrivain. Mais pas le meilleur parce qu'il parle beaucoup trop de lui. Avec son ami La bête, il conte au lecteur ses milles et une frasques d'enfance, de jeunesse. Mais il conte aussi ses aventures avec d'autres amis communs. C'est pour le moins auto centré. Alors que le sujet est Norilsk. Comme écrivain, il essaye bien de faire passe une émotion mais ça rippe sur le style : "c'est assez étrange de vivre le coeur léger et l'âme sombre ", " je préfère un type de droite généreux avec ses seuls proches plutôt qu'un type de gauche qui se gargarise de son grand coeur en ne pensant qu'à sa gueule. Be true ", " Bach emplit bientôt la salle de sa joie triste. La vie puisqu'on en meurt"... Pour finir, il y a cette attitude, que Caryl Ferey assure "rock'n'roll" et qui consiste à boire des coups au bar et draguer les locales. Non le rock'n'roll aurait été de se battre avec des types dans le bar ! Ou de vomir sur un flic en patrouille. Last but not least, orthographier le chanteur-bassiste de Motorhead Lémy au lieu de Lemmy discrédite une partie du discours. Je précise que ce n'est que le deuxième livre de Ferey que je parviens à finir après Haka. Décidément beaucoup de mal avec ce style alors que l'homme est vraiment sympathique.
Pour ce qui est des auteurs en voyages, il y a donc le Harry Crews, marrant, mais aussi les Dernières nouvelles du sud, de Luis Sepulveda. Entre autres.
Norilsk, ed. Paulsen, 157 pages, 19, 50 euros.