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The killer inside me

Littérature noire

Sur l'écriture : Charles Bukowski, cette bombe de la littérature

Charles Bukowski (1920-1994) était un écrivain compulsif,

hanté par le son de sa machine à écrire, un solitaire, un miséreux aussi pour la majorité de son existence, un excessif dans ses goûts artistiques (de Shopenhauer à Céline) et un provocateur. Tout cela, celui qui connaît un peu l'auteur de Journal d'un vieux dégueulasse, le savait. Mais avec Sur l'écriture, précieux recueil de sa correspondance, le lecteur le parcourt intimement, le découvre dans les mots de tous les jours, ceux de lettres enflammées, dépitées, enragées, amicales, admiratives, qu'il a envoyé à son éditeur John Martin, à son agent et ami Carl Weissner, à Henry Miller, à John Fante qu'il idôlatrait, à Paloma Picasso, à différents patrons de revues poétiques. Plus d'une centaine de lettres donc, de 1945 à 1993, dans lesquelles on lit du pur Bukowski mais surtout dans lesquelles on note l'évolution de sa carrière, plutôt catastrophique pendant une bonne quarantaine d'années, survivant grâce à la vente de poèmes qu'il écrit nuit et jour, saoul ou à moitié saoul la plupart du temps. Il écrit pour des revues pornos, des revues de seconde zone. Pestant contre les éditeurs qui se croient encore au 19e siècle. Il en fera une maladie, réellement, puisqu'il sombrera dans l'alcoolisme, "après ça, pendant 7 ou 8 ans, j'ai très très peu écrit. ça a été une sacrée beuverie. J'ai fini à l'hôpital, pavillon des miséreux, avec des trous dans mon estomac qui dégueulait des cascades de sang..."

Il est beaucoup question de création dans ces lettres, de la liberté totale que l'auteur doit obtenir, voire s'imposer et surtout de la vie que doit avoir un poète, un écrivain, loin des salons, des clubs de lecture (qu'il déteste cordialement sauf si cela paye le loyer) et plus près des putes, des ivrognes, des cinglés : "tu sais, le gros problème, jusqu'à présent, c'est qu'il y a toujours eu d'énormes différences entre la littérature et la vie, et ceux qui font de la littérature n'ont pas intégré la vie à leurs textes, et ceux qui sont pleinement dans la vie se sentent exclus de la littérature." Passionnant et pertinent, joyeux et décapant, Sur l'écriture se termine délicatement avec une ultime lettre, de remerciement, à l'éditeur de la revue Poetry : Charles Bukowski a 73 ans et il vient pour la première fois d'être publié dans celle-ci, chose qu'il attendait depuis qu'il a sorti ses premières proses.

Charles Bukoswki, à travers ses nombreux romans, fait sans nul doute partie des rares auteurs qui peuvent faire aimer la lecture à ceux qui s'en sentent détachés, éloignés. En racontant son incroyable vie mais aussi la rue, le quotidien des paumés, il a touché des millions de lecteurs qui se sont enfin reconnus dans un objet artistique. Pour cela, il ne lui sera jamais assez rendu grâce.

A souligner, une postface de l'éditeur de ce recueil, très précise et qui donne également une idée du travail colossal de lecture et de traduction de cette correspondance. Beau travail.

Sur l'écriture (trad. Romain Monnery), ed. Au Diable Vauvert, 320 pages, 20 euros.
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