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The killer inside me

Littérature noire

Top réalité : quand la télé-réalité croise John Dortmunder

C'est le dernier coup de John Dortmunder,

sans doute la plus drôle des canailles de l'histoire de la littérature noire. Avec Top Réalité (Get Real), Donald Westlake livre, quelques mois avant sa mort, la quinzième aventure de son personnage, avec une classe, une maîtrise et un à propos sidérant pour un homme alors âgé de 75 ans. L'auteur sert ici toutes les grandes lignes de force de sa série, à savoir la bande de cambrioleurs, montes en l'air, cocktail d'expériences, de culot et de rudesse, avec des plans légèrement opaques, saupoudré d'une dose de fatalisme et des dialogues courts, secs et drôles. Mais voilà, cette fois Dortmunder se voit proposer un casse pour une émission de télé-réalité ! Par l'intermédiaire d'un personnage hilarant de cynisme, de couardise : Doug Fairkeep. Producteur sans scrupules, tout heureux de vibrer près de vrais voyous et sentant là, l'idée du siècle : filmer un gang, avec floutage et plans de dos bien sûr, dans la préparation et la réalisation de son coup. Sauf que la bande en question plutôt que de faire un seul cambriolage filmé, va s'assurer de la loyauté de son "employeur" en pillant au passage une deuxième cible...

Le lecteur se pince d'abord avec les noms ridicules imaginés par Fairkeep pour cette nouvelle émission de télé-réalité, ça commence avec Le gang est au complet (titre d'une comédie musicale des années 40 !), pour finir par Le braquage. Le décalage entre les pros du petit écran, soucieux de mettre un nom sur le projet et l'incompréhension des truands est succulente. Il y a aussi cette histoire de l'autre émission en cours de diffusion, Le stand, où les producteurs ont imaginé une famille de fermiers, avec un fils qui épouserait la belle inconnue, sauf que le fils, dans la vraie vie, est gay et qu'il n'est pas d'accord pour faire semblant. Westlake charge gentiment le monde du petit écran, ses pseudos génies, mais aussi sa jungle internationale à travers la vente des programmes à l'étranger. D'accord, ce n'est pas très méchant, Westlake ne prend pas un bâton anti impérialiste pour taper sur la tête des producteurs télé. Non. En revanche, c'est très fin et drôle. Et en fait personne n'attendait que Westlake s'arme d'un gourdin aux couleurs des black-blocks. Du coup, c'est une très agréable surprise. Ce Top Réalité est un petit bijou d'ingéniosité car l'idée de départ paraît tellement improbable et Dortmunder nage dans cette histoire comme un requin au milieu d'un banc... d'autres requins. Au final, qui sont les plus immoraux ? En 2017, lire du Westlake se révèle salutaire, loin des violences effrénées actuelles (sur lesquelles on ne crache pas, attention !), loin des modes rurales, il y a une sorte de classicisme, de rigueur, qui rassure.

Top réalité (trad. Pierre Bondil), ed. Rivages, 379 pages, 8, 60 euros.
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