Littérature noire
13 Novembre 2017
Méridien de sang a chaviré la tête de plus d'un.
Et S. Craig Zahler qui vient de publier Une assemblée de chacals ne peut nier l'influence du roman monstre de Mc Carthy. Sans lui emprunter sa prose, son essence, sa dimension littéraire, il en pique au moins la folie. Une assemblée de chacals est ainsi un bon petit western sanglant, cruel et poussiéreux.
Lingham, les deux frères Danford et Dicky ont eu une jeunesse de hors-la-loi dans la deuxième moitié du 19e siècle. Braquages de banques, meurtres quand c'était obligé, sous le nom du Gang du grand boxeur, ils ont su tordre le nez à la pauvreté qui les menaçait pour s'improviser bandits de grand chemin. Cela, avant de rencontrer Quinlan, Irlandais fou furieux, qui va les entraîner dans une aventure de sadisme, réduisant à l'esclavage une tribu d'indiens Appanuqis ( a priori c'est une invention) pour mieux piller des villes entières...Mais les quatre du Gang ne supportent pas cette violence gratuite et piègent la bande de Quinlan. 20 ans après, l'heure de la vengeance a sonné dans les plaines du Montana. Lingham doit se marier mais il a reçu un message de Quinlan qui exige la présence des quatre le jour des noces pour solder les comptes...
Une assemblée de chacals bénéficient d'une atmosphère parfaite. Fin 19e, transports en commun équins ou chemin de fer poussif, saloon avec crachoirs, bordels discrets et flingues à six coups avec quelques fusils à longue portée. Pour cela, Zahler sait vraiment y faire. D'autant qu'il offre des personnages qui, même s'ils frôlent la caricature, entre le beau gosse, le violent repenti, le vieux shériff sage ou le psychopathe vengeur, tiennent la route. Le lecteur est pris au piège d'un quatuor de canailles qui a fait amende honorable, quatuor lui-même piégé par la pire des ordures. Un Quinlan et ses amis donc qui ne sont pas sans rappeler le juge Holden de Mc Carthy, l'illumination religieuse en moins mais avec ce même genre de personnages excentriques, cette démence sadique (cette couronne de clous !). L'auteur manie autant le piment que la dynamite ici, sachant alterner son rythme, et offrant une magnifique scène d'arrivée des bandits dans la petite ville, avec un nuage de poussière digne d'une invasion de criquets. La vision est vraiment dantesque, une impression de western apocalyptique. Mais S. Craig Zahler s'y connaît en images, lui, qui a réalisé, l'honnête western de série B, Bone Tomahawk.
Il aurait tout de même pu éviter l'explosion de l'église dont on comprend assez mal le sens. Et autre bémol, cette longue scène à cheval avec le shériff TW, Goodstead, le vieux marshal, Oswell et Dicky ! Comment peut-on parler aussi longtemps lors d'un galop à cheval ? Zahler sait-il le vacarme que font cinq chevaux lancés à toute allure ? Sait-il la difficulté de s'entendre quand le vent cingle, que les sabots frappent le sol ? On ne peut pas toujours s'extraire de la réalité pour alimenter la fiction. Mais ce n'est qu'un détail, dans un western qui se veut avant tout cathartique, avec ses bons, ses méchants. Et une certaine morale.
Une assemblée de chacals (trad.Janique Jouin-de-Laurens) ed. Gallmeister, 364 pages, 21 euros.