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The killer inside me

Littérature noire

La mille et deuxième nuit : meurtre à la Belle Epoque

Pas simple aujourd'hui de vouloir écrire un roman policier sur le début du XXe siècle, en replongeant dans l'Histoire, les archives, en trouvant aussi un angle, une intrigue qui soit encore valable en 2018. Et Carole Geneix s'en tire avec les honneurs, renouant avec le charme surannée des histoires façon Emile Gaboriau, un Paris des fiacres, du pavé luisant, de la police de grand-père mais aussi un Paris de la mode, abritant une forte communauté russe fuyant la révolution bolchévique en préparation. La mille et deuxième nuit a un côté préhistorique dépaysant, presque rafraîchissant par sa simplicité, la candeur de ses personnages.
Au premier rang desquels, Dimitri Ostrov, le secrétaire particulier de la richissime comtesse Svetlana Slavskaia. Une originale dirait-on aujourd'hui, qui fréquente tout le beau monde et notamment Paul Poiret, roi de la mode parisienne, européenne, voire mondiale. Un couturier qui organise une énorme fête costumée pour le lancement de son premier parfum. Cette soirée baptisée La mille et deuxième nuit est sélective, extraordinaire par son organisation et un brin orgiaque. La comtesse y introduit Dimitri, pour lequel elle a bien plus d'affection que son fils naturel, Igor, prétentieux et ambitieux. Mais au cours de cette soirée, la comtesse va finir, au petit matin, étranglée, sa rivière de diamants à un million, envolée. Le secrétaire est soupçonné. Interrogé. Mis aux fers. Paul Poiret avait promis à la comtesse, maîtresse solaire, de le protéger quoiqu'il arrive.
Quelques années après l'affaire Dreyfus, alors que l'antisémitisme est toujours bien présent, que les tensions avec l'Allemagne s'accentuent, que le Titanic prépare son premier voyage, Carole Geneix peint une société incroyablement vivante et un brin superficielle occupée à ses mondanités, ses robes, ses tissus, pendant que se prépare la Grande Guerre. Un univers d'aristocratie européenne qui vit sans doute ses dernières heures, dans le champagne, les drapés de soie et les bijoux hors de prix. La mile et deuxième nuit est généreuse de ces détails qui donnent une vraie couleur au roman, ces premières voitures, ces Renseignements Généraux balbutiant, ces Russes et leur cohorte de domestiques, cette mode de chapeaux à plumes... beaucoup d'images donc et quelques facilités dans la narration comme lorsque Dimitri est appelé à un rendez-vous manqué avec sa fougueuse Oriane. Mais voilà, c'est un roman policier à la façon de. En cela, c'est réussi. Pas sûr que les fans de hardboiled y trouvent leur compte mais en revanche ceux qui cherchent un côté très vintage, très premiers romans policiers seront étonnés.

La mille et deuxième nuit, ed. Rivages, 303 pages, 19, 50 euros.
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