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The killer inside me

Littérature noire

Les chemins de la haine : la chair à canon du capitalisme

Attention titre trompeur ! Les chemins de la haine, Long way home dans la VO, est moins un livre sur le racisme que sur l'esclavage moderne. Pas celui de la femme de ménage philippine retenue par ses riches patrons mais l'esclavage de centaines d'hommes, passés clandestinement en Grande-Bretagne pour travailler dans les chantiers. On dit toujours que quand le BTP va, tout va. Oui, surtout, pour les requins, les affameurs, de plus en plus nombreux dans des Etats de moins en moins puissants et protecteurs.
Ziglic, sergent de la police anglaise au commissariat de Peterborough, dirige le minuscule département des crimes de haine. Il est secondé par Mel Ferreira, une jeune femme bourrée d'énergie. Dans cette ville frappée par la crise, un homme vient de mourir brûlé vif dans un abri de jardin. Le couple propriétaire de la cabane n'a rien vu, rien entendu, ce matin-là. Imbuvables, ils vont éveiller rapidement les soupçons. Surtout dans un quartier où les tags racistes fleurissent sur les murs. Mais Ziglic et Ferreira vont également partir sur la piste des travailleurs de l'Est de cette région. Au Maloney, le pub de la gare routière, tout le monde et toutes les nationalités se croisent et le patron connaît presque tous ses clients. L'homme brûlé vif serait un Estonien, Jaan, à la recherche de son jeune frère Viktor. Et voilà que Viktor apparaît... à la morgue. Il a été percuté par un train il y a plusieurs semaines. C'est le moment que choisi Paolo, jeune portugais, pour s'enfuir d'un chantier.
Premier roman de l'Anglaise Eva Dolan, qui s'en sort vraiment bien pour dépeindre cette Angleterre grise, malheureuse, ces gens en jogging tout la journée, ces gros beaufs qui vont se payer une turlute avec les barmaids de l'Est, ces champs de terre noire à perte de vue, ces chantiers au petit matin. Loin de la vision d'une Londres performante et toujours en fête. Le tableau est bien servi. Côté narration, il y a peut-être des clichés mais elle évite donc l'écueil du racisme primaire pour jouer sur le capitalisme brutal et sauvage qui arrange, il faut le dire, un peu tout le monde. L'air de rien, Eva Dolan écrit clairement que des ouvriers non déclarés, sous payés, quand ils sont payés !,
finalement, c'est du bonus pour les mafias organisés mais aussi pour les maîtres d'ouvrage. Et dans un pays où l'on demande à la police de faire des économies, il y a de grande chance pour que ce système perdure. Certes, l'auteur multiplie les pistes et les fausses pistes mais c'est un peu l'ADN du genre et puis les enquêteurs se retrouvent, il est vrai, face à un vrai casse tête linguistique et culturel, une population qui, en plus, craint autant la police que les voyous. Assez classique dans la forme Les chemins de la haine révèlent deux personnages de policiers réussis, attachants et, c'est l'essentiel, aborde un terrible sujet, un énorme enjeu de société. Original et très contemporain dans le fond.
Ce roman est le premier d'une série de quatre, déjà tous parus en Grande-Bretagne, et que Liana Levi, après la belle série de Malcolm Mackay et son hitman en rupture, devrait publier ces prochaines années.

Les chemins de la haine (trad. Lise Garond), ed. Liana Levi, 443 pages, 22 euros.
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