Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Ma Zad : Pouy pile-poil dans le bon timing

Cela faisait quelques temps que l'on avait rien à se mettre sous la dent de la part de Jean-Bernard Pouy. Et bim ! voilà qu'il sort Ma Zad au moment où le gouvernement rend sa réponse sur Notre-Dame-Des-Landes. Si ça, ce n'est pas du spiritisme !
Camille Destroit a hérité d'une grande bâtisse dans le Nord. Il a quarante balais, pas d'enfants, plus de copine mais un job comme responsable du rayon bio de la superette locale. Mais surtout Camille est engagé dans la lutte contre un projet de "plateforme multimodal", en gros la bétonnisation de plusieurs hectares, vouant une salamandre et quelques crapauds à la disparition. La lutte a payé puisque le tribunal administratif a donné raison aux zadistes. Mais Camille, pourtant pas leader de la rebellion va le payer cher. D'abord 24 heures de garde à vue à l'évacuation de la ZAD. Puis sa grange est incendiée. Voilà que son patron le vire. Et pour finir, quelques nervis viennent lui réchauffer le cuir à coups de matraque. Là, le gentil Camille pète un câble et va franchir le pas d'une violence discrète mais entière.
La bonne idée de Ma Zad c'est bien sûr de ne pas tomber dans la caricature politique. Ouf ! Camille n'est pas un rasta blanc, joueur de djembé, ni un ultra gauchiste adepte de krav maga. Non, lui il aime les chats. Et son pote Bixente, en Bretagne. Un peu Claire, aussi, la jeune révolutionnaire cachottière. Ma Zad, c'est plus l'histoire d'une glissade ou d'un cul de sac moral que d'un engagement politique solidement ancré. Pourtant l'auteur ne s'abstient pas de démonter les pressions des puissants industriels, leur mépris des petites gens, leur intelligence à opposer emploi et protection de l'environnement pour mieux diviser. Mais surtout Jean-Bernard Pouy nous montre une communauté paisible de zadistes, organisés, parfois tremblants, décidés, parfois déstabilisés, mais avant out fraternels. Sans excès, sans caricature encore une fois.
Alors oui Pouy se permet des digressions. Il va parler d'Abel Ferrara, de l'atmosphère des gares SNCF, de valises à roulettes, de peinture, de gendarmes à Belle-ïle... bref, il laisse un peu son esprit vagabonder dans sa mémoire personnelle. On peut trouver cela nombriliste mais cela ne change rien au récit et surtout à ces dernières pages assez fortes, émouvantes et réussies. Un roman noir qui se lit avec plaisir, Jean-Bernard Pouy renouant avec une gouaille française pas si désuète au contraire, il donne encore quelques lettres de noblesse à cette langue.

Ma Zad, ed. La Série Noire, 192 pages, 18 euros.
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article