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The killer inside me

Littérature noire

Taqawan : un brillant polar pour défendre la cause indienne

Roman noir, roman politique (forcément), roman historique, roman écologique et roman intelligent, Taqawan réussit, en moins de 200 pages, à transporter le lecteur, à l'émouvoir, à l'impliquer. Une totale réussite. C'est que l'auteur, Eric Plamondon, s'y prend avec une certaine malice. Il ne se contente pas de raconter l'histoire d'un trafic d'enfants, une sombre affaire de pédophiles au coeur de la réserve indienne de Restigouche (ou Listiguj) à l'est de Québec. Non, Plamondon place cela au moment des incidents du début de l'été 1981 lorsque le gouvernement québecquois demande aux pêcheurs indiens de retirer leurs filets de pêche au saumon pour des questions de quotas. Les Mi'gMac, la tribu locale, refusent, s'opposent et les forces de l'ordre débarquent en force dans la réserve, interpellent, placent en détention, avec un déchaînement de violences hallucinant, tout ça pour quelques poissons ! L'auteur, vivant désormais dans le Bordelais, situe son intrigue à cet instant-là. Et si celle-ci est très bien ficelée, punchy et tendre, mais classique, avec notamment cet indien William - aussi appelé Taqawan, du nom du jeune saumon qui revient vers son cours d'eau natal - le brio de ce livre réside en partie dans les pas de côté de la narration. Un court chapitre pour raconter le respect des indiens envers les proies qu'ils chassent, un autre pour une recette de soupe aux huîtres, un autre qui évoque le massacre des bisons par les premiers Américains pour affamer les Indiens des Plaines, sans oublier l'histoire de ces peuples nomades partis d'Asie centrale, passés par le Détroit de Béring pour arriver là, en Gespe'gewa'gi, la fin des terres. Avec finesse, en quelques phrases, Plamondon conte une histoire tragique, faite de trahisons, de coups fourrés, d'incompréhensions, "comment faire comprendre à un Indien la nécessité de tondre l'herbe autour de sa propriété pour que ce soit beau et propre ?"
A l'heure où le président Trump fait une blague débile sur Pocahontas, où les tribus du Dakota du Nord s'inquiètent à juste titre des projets d'oléoducs sur leurs territoires, Taqawan vient rafraîchir notre mémoire d'Européens sur les conditions de vie de ces milliers d'hommes et de femmes, arrachés à leur culture. Sans prétention, sans morale abusive, avec une contextualisation parfaite (ah le tee shirt Britsh Steel !), ce roman est une belle bouffée d'oxygène, avec notamment ce mélange d'expressions de la Belle Province, cette langue que l'on retrouvait déjà avec bonheur chez Andrée Michaud.

Taqawan, Quidam éditeur, 198 pages, 20 euros.
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