19 Février 2018
Demain, après avoir tué Amarelo, tu rentres à la maison et tu récites dix Je vous salue Marie et vingt Notre Père. Comme ça, je te garantis que tu seras pardonné." Ce jour d'octobre 1969, au coeur de la jungle amazonienne, dans l'état de Tocantins, au Brésil, Cicero Santanas explique à son nveau de 17 ans, Julio que ce n'est pas une si grande affaire de tuer quelqu'un. D'abord parce que si ce n'est pas lui qui s'en charge d'autres le feront. Et puis, question Dieu, avec des prières on s'en sort toujours. Julio, habitué à chasser pour manger, est un excellent tireur. Mais il est, heureusement, d'abord réticent. Puis, avec une énorme déception amoureuse et l'envie de gagner de l'argent, beaucoup d'argent, il se laisse tenter. Sa deuxième victime, bien involontaire, sera sous l'uniforme de la police militaire, une guerrillera... Au total, et jusqu'à mai 1987, il aura tué 492 personnes. Des hommes essentiellement mais aussi quelques femmes et parfois des jeunes adolescents.
Julio Santana n'est pas un personnage de fiction. C'est un authentique tueur à gages du centre du Brésil, rencontré par l'auteur, Klester Cavalcanti, grand reporter. Entre sa première conversation, en 1999 au téléphone, avec Julio Santana et l'écriture de ce livre, il aura fallu pas moins de sept années. Pour connaître sa vie, pour établir une confiance mais aussi pour vérifier. Ce qui fut fait auprès d'un homme politique, proche du président Lula dans les années 2000, mais arrêté et torturé dans les années 70 quand il appartenait au Parti Communiste.
492 confessions d'un tueur à gages prend des airs de roman parce que ce genre de vie est un roman, noir. Jamais condescendant, Cavalcanti ne fait pas de Julio un héros, un Tony Montana. Parce qu'il a eu du mal à s'accepter comme tueur. Parce qu'il est hanté par certaines scènes. Et par dessus tout parce que sa femme, la seule au courant de son secret, lui en veut terriblement de cette existence. L'auteur ne déroule pas la liste insupportable des assassinats mais montre comment un homme arrive à s'accommoder avec la morale et sa morale. C'est aussi le pays qui le permet. Vaste territoire, sauvage. Où on peut se débarrasser d'un corps dans le fleuve. Dans une mine d'or. Et puis c'est aussi un pays violent. Il y a une violence d'Etat assez présente et une corruption quasi généralisée. Julio Santana n'a été arrêté qu'une seule fois ! En 27 ans.
Sans être romance, le livre se lit comme un article extrêmement bien écrit ou un polar au style un peu convenu. C'est selon. En tout cas il se lit et la réalité de certaines scènes fait évidemment frémir. Ce témoignage exceptionnel est à placer aux côté des romans turbulents d'Edyr Augusto, une façon de se faire une idée plus sincère du Brésil, loin des clichés, de plages, de foot, de samba...
492 confessions d'un tueur à gages (trad.Hubert Tézenas), ed. Métailié, 214 pages, 18 euros.