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The killer inside me

Littérature noire

Les adieux de Brodie : joli coup monté à Glasgow

Il y avait trop d'hommes comme lui dans cette Ecosse de l'après-guerre. Trop de bagarres de rue à la sortie du pub le vendredi soir, une fois la paye flambée. Trop de femmes et d'enfants battus dans des foyers en état de choc, où des maris évidés par la bestialité de la guerre luttaient contre l'espace noir qui s'était ouvert en eux. Aucun de nous ne parlait de cette maladie nationale qui terrassait les mâles. Nous avions trop honte, trop peur de passer pour des faibles."
Les adieux de Brodie, quatrième et dernier épisode des aventures du journaliste de Glasgow, ancien soldat et policier, Douglas Brodie attrapent le lecteur quelques mois seulement après La filière écossaise, pour autant, chaque tome de la série peut se lire indépendamment. Avec beaucoup de plaisir. Parce que cette période d'immédiat après-guerre est un terreau fertile pour le polar, parce que ce sont des années qui éveillent toujours des fantasmes dans le cortex des fans de romans policiers. A cette époque on pouvait boire sans se soucier des contrôles, on pouvait fumer sans publicité sur les paquets de cigarettes, les femmes étaient vénéneuses, les armes en libre circulation ou presque... Bref, c'était un peu le paradis de la canaille. Et pas seulement les petits voyous de base. Douglas Brodie va l'apprendre à ses dépens. Il est contacté par la femme du directeur de la Scottish Bank. Celui-ci vient d'être enlevé. Une rançon est demandée. La femme, désespérée, se tourne vers ce journaliste intrépide et celui-ci se verrait bien décrocher un papier intéressant. Sauf que tout tourne mal : lors de la remise de rançon, Brodie est trimballé d'un coin à l'autre de Glasgow, il se fait assommer et à son réveil le banquier gît à ses côtés, mort d'une balle, tiré de son flingue. L'inspecteur Sangster, qui a une très sérieuse dent contre lui, débarque immédiatement, le coffre. L'évidence est contre Brodie. Il risque la peine de mort...
Malgré des dialogues parfois un peu trop longs au détriment de l'action, Gordon Ferris livre encore un polar d'un délicieux classicisme, dans un contexte historique bien tendu, à savoir le chèque du plan Marshall, mis en balance par ce scandale à la banque écossaise. L'auteur joue habilement de ce compte à rebours, multipliant les seconds rôles du camp de Brodie et les seconds rôles du camp des crapules. Multiplication des personnages qui ne nuit pas un instant à l'intrigue, même si le lecteur voit bien la fin se dessiner. Peu importe. Il y a des scènes géniales comme la toute première. Et c'est vrai aussi que le lecteur ne comprend pas forcément très bien la façon de Brodie pour s'introduire dans la banque, il y a un muret, une échelle, une gouttière, pourtant ça passe, Gordon Ferris a le talent pour donner à ce moment des airs hitchcokiens. L'ambiance est là, (avec des chantiers navals tout proches, la mine aussi, les cabarets sordides...), la construction est parfaite et même si ce n'est pas le meilleur tome de la série, Les adieux de Brodie font vraiment honneur au genre, prouvant aussi que le Noir Tartan, cher à William Mc Ilvanney, à son fils Liam, cher aussi à Ian Rankin, Malcolm MacKay, Denise Mina, sans oublier Christopher Brookmyre, bref ce Noir Tartan est un continent à lui seul du monde polar.

Les adieux de Brodie (trad. Hubert Tezenas), ed. Seuil, 443 pages, 22, 50 euros
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