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The killer inside me

Littérature noire

Pleasantville : au coeur de la (bonne) société noire texane

Auteure de l'excellent Marée Noire en 2011, Attica Locke renoue, pour Pleasantville, son troisième roman, avec Jay Porter, ce personnage d'avocat noir, aux prises avec les contradictions de sa communauté, ses engagements civiques et sa difficile vie de famille. Dans le polar, le thriller, il est très compliquée de créer aujourd'hui un personnage récurrent un tant soi peu intéressant, accrocheur, pour ne pas dire original. L'écrivaine texane y est parvenue. Avec maestria.

1996. Jay Porter a perdu sa femme d'une longue maladie il y a un an. Traumatisé, il élève son jeune fils, sa fille ado et mène plusieurs combats, au civil, contre des groupes chimiques et pétroliers qui empoisonnent, au sens littéral, la vie des gens de Pleasantville. C'est la fin de l'année et le soir du premier tour de l'élection municipale. Axel Hathorne, fils de Sam, le patriarche et incontournable représentant de la communauté noire,, arrive en tête. Mais ce n'est pas l'heure de faire la fête. Une jeune fille a été enlevée. Comme deux autres, finalement retrouvées mortes, il y a quelques mois de cela. Avant de disparaître, la jeune fille a été vue avec un tee shirt de la campagne d'Axel Harthorne. Etait-elle une bénévole de l'équipe ? Neal, neveu et directeur de campagne d'Axel est entendu par la police. Lorsque la victime est retrouvée morte, Neal est accusé. Sachant que le district attorney est l'adversaire d'Axel au second tour de l'élection, l'affaire prend une vilaine affaire politique. Pressé par Sam, en souvenir de quelques services rendus, Jay accepte de défendre Neal, même si cela fait bien longtemps qu'il n'a plus plaidé au pénal.


Porté par une intrigue délicieuse, complexe mais très maîtrisée, Pleasantville donne une certaine image de cette Amérique noire de la classe moyenne, voire CSP +. Il y a l'enjeu politique, bien cerné, à savoir l'accession d'un maire noir à la tête d'une des grandes villes d'Amérique et surtout du Texas. Il y a la tactique politique, riche en coups bas, qui préfigure, d'après Attica Locke, l'élection prochaine de Georges W. Bush et puis il y a aussi une grosse critique de cette communauté noire, devenu un lobby politique, au sein de laquelle le paternel Sam Hathorne fait la pluie et le beau temps depuis trente ans. Y compris par quelques arrangements avec la morale. Une façon de dire à ses concitoyens, nous ne sommes pas au-dessus de toute critique. Evident mais louable. Et on pense beaucoup à Spile Lee en lisant Pleasantville, ce regard bon et lucide, en tous les cas sans concessions sur les errements et les changements des Noirs d'Amérique.
Peut-être que le lecteur imagine finalement assez vite qui est l'auteur des crimes mais Locke fait preuve de suffisamment  d'intelligence et d'ingéniosité pour rendre ce roman captivant, entre enquête et procès. La narration suivant une perpétuelle progression dans l'intrigue, les incontournables rebondissements mais aussi dans les relations de Jay avec sa famille, avec ses amis Lonnie et Rolly, avec son ex Cynthia mais aussi avec la famille de la victime. Cette richesse émotionnelle, cette empathie parfois, est aussi l'un des très bons arguments du roman qui est une plongée rare dans une communauté black bien en place, loin du crack et des bidonvilles de Detroit, de Washington ou Baltimore. Recommandable donc à plus d'un titre.

Pleasantville (trad. Clément Baude), ed. La Série Noire, 22 euros, 513 pages.
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