Littérature noire
15 Février 2018
Il y a des romans un peu mal fichus, des livres qui auraient tellement gagné à être discuter avec l'éditeur, pour corriger une narration, changer deux, trois petites choses. Satanas de Mario Mendoza en fait sans doute partie. Parce que voilà trois destins de Bogota que le lecteur suit avec un intérêt vraiment différent. Il y a le père Fernando qui entend, à confesse, un homme menaçant de tuer sa femme et ses filles pour ne plus les voir souffrir de la faim. Un personnage de prêtre, proche de se défroquer, intriguant qui va jusqu'à être appelé pour un exorcisme. Et puis il y a Maria qui décide de laisser tomber son job minable de vendeuse ambulante de boissons pour monter une belle arnaque. Plan qui va se retourner dramatiquement contre elle. Là, déjà, le lecteur décroche un peu. Et puis il y a Andrès, le peintre qui pressent les maladies de ses sujets lorsqu'il leur fait le portrait. Difficile à suivre. Trois destinées d'une Bogota assez gothique, avec ambiance maléfique, violence latente. Enfin, débarque Campo Elias, psychopathe, ancien du VietNam, enseignant d'anglais à la petite semaine, ne supportant plus rien ni personne.
Campo Elias est le détonateur de Satanas mais il arrive tard, au point que son irruption ne peut plus sauver l'ennui des pages précédentes. C'est là que l'on se dit que ce type-là méritait d'apparaître quelques temps avant, puisque c'est lui seul qui fait monter la tension. Le défrocage du père Ernesto, la vengeance de Maria ou l'amour déçu d'Andrès, tout cela est consommé assez vite, il n'y a pas de tension, rien qui justifie d'aller plus loin. Heureusement que Campo Elias intervient en quelque sorte.
Mieux que ça, on en apprend un peu plus, par le témoignage de Mario Mendoza et il révèle donc que la fiction est ici mêlée à la réalité. Impossible de révéler le final de ce roman mais intervient alors comme une gêne, l'impression d'avoir été victime d'une supercherie parce que le récit n'a pas la même signification et les intentions de l'auteur non plus. Où est la réalité dans les vies d'Andrès, de Fernando, de Maria ? Assez bizarre. Et sans doute l'un des opus d'Asphalte le moins convaincant.
Satanas (trad. Cyril Gay), ed. Asphalte, 291 pages, 22 euros.