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The killer inside me

Littérature noire

Jours tranquilles à Bangkok : un régal loin des clichés

Remarquable livre de voyage ou d'errance plutôt,  Jours tranquilles à Bangkok plonge dans les recoins de la capitale thaïlandaise  avec un regard curieux, toujours étonné, jamais moralisateur et finalement plein d'amour. Lawrence Osborne ne va pas à Bangkok pour les putes ou les temples. Même s'il fréquente les deux. Il y va d'abord pour se faire soigner les dents parce que c'est bien moins cher qu'en Angleterre. Mais il s'y rend surtout pour se perdre dans la foule de l'anonymat, dans la chaleur d'une ville labyrinthique, dans les entrelacs d'une langue insaisissable, dans la philosophie d'un peuple incroyable.
L'auteur raconte ainsi ses très longs séjours, d'abord dans l'immeuble Primrose puis dans la villa d'une amie, Kitty. Plus qu'un guide touristique, c'est un livre de rencontres. Parce que non, Lawrence Osborne ne fera pas aimer la ville à celui qui ne ne la connaît pas. Pas une page d'ailleurs n'est consacré aux beautés de Bangkok. Ou si peu. Il évoque sans fard sa saleté, ses immeubles délabrés, ses paquets de fils de téléphone qui tombent presque par terre, sa chaleur étouffante, son urbanisme anarchique... Il ne faut pas compter sur lui pour faire croître le nombre de touristes au pays du sourire ! Et puis même les personnes qu'il croise, tous des exilés, plus que des expatriés, ont un grain. McGinnis et sa mythomanie. Farlo et son lodge écolo perdu dans la jungle. Felix et ses peintures à base de pigeons morts. Beaucoup viennent à Bangkok pour mourir dans les meilleures conditions sexuelles. Oui, il y a un petit côté Mort à Venise. Mais avec du panache, de la joie et de la vodka scorpions. Parce que Jours tranquilles à Bangkok est très drôle. De la scène de l'Allemand qui se fait amputer d'un testicule, à McGinnis qui est viré du British Club, aux deux prostituées Popotin et Dessinanimé avec leur anglais approximatif : " - you go me ! a-t-elle braillé en anglais. Tu vas moi. - Je vais quoi ? - Je vais toi. Tu vas nous." Des passages hilarants comme seul, peut-être, un Anglais peut les rapporter.
Il est bien spur beaucoup question de sexe dans ce livre. Mais sans violence, ans contrainte. D'accord, ces filles, ces femmes et mêmes certains hommes, ne le font pas pour le plaisir mais bien pour l'argent, l'espoir d'une vie meilleure. Pourtant, il y a une sorte de tendresse, de faiblesse assumée aussi chez ces occidentaux isolés. Ils ont fuit leur vie, parfois ratée, et ont reconstitué là, une sorte de sociétés d'hommes tranquillement à la dérive, attendant la fin.
Et puis Lawrence Osborne ne manque pas de parler bien sûr de cuisine, de la tradition des gros insectes grillés, des soupes prises dans la rue, il passe aussi un long moment à l'hôpital, se rend à Bornéo, visite un prêtre qui vient en aide aux malades du sida, il évoque la politique à travers les manifestations contre le premier ministre thaïe... Jours tranquilles à Bangkok est fait de cette belle plume anglaise, entre sérieux et autodérision, étude de moeurs et balades nocturnes. Ce serait du cinéma, on naviguerait entre James Ivory et les Monty Python. Un petit régal. On ne verra plus la cité thaïe avec les mêmes yeux, c'est sûr.

Jours tranquilles à Bangkok (trad. Michel Le Bris), ed. Hoëbeke, 281 pages, 21 euros.
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