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The killer inside me

Littérature noire

La petite Gauloise : Jérôme Leroy tape fort

La plume de Jérôme Leroy ! Grinçante, politique, décalée, mais visant juste. Avec La petite gauloise, il embarque son lecteur dans une " ville portuaire de l'ouest ". A chacun de se demander si c'est Brest, Lorient ou autre. Mais peu importe. Là, Abdul Slimane, un indic de la cité des 800 appelle son contact à la lutte anti terroriste, Mokrane Méguélati. Paniqué, il lui donne rendez-vous tard le soir, dans un bistrot inhabituel. Mais tout part en sucette : l'indic a été suivi, deux barbus entrent dans le café, arrosent tout le monde à kalach avant de se faire shooter par le flic. Celui-ci obtient un renseignement de son "cousin" avant qu'il clamse. Une info précieuse mais vague : un attentat est prévu le lendemain, dans la ville. L'officier transmet de suite l'info par texto à sa hiérarchie. A peine sort-il du bar qu'une deuxième équipe de terros arrose la devanture. Dans sa fuite, Mokrane Méguélati se présente devant une voiture de patrouille de la police municipale. Un brigadier voyant l'arme de poing, dans la nuit, fait feu et étale le collègue pour le compte ! La division anti terroriste débarque dans le quart d'heure et commence à perquisitionner tous azimuts. La cité proteste, s'enflamme. Les prochaines 24 heures vont être chaudes. Notamment dans le lycée professionnel Tillon où une auteure jeunesse vient rencontrer des élèves un tantinet dissipés. Avant que l'alarme sonne dans l'établissement.
Comment Jérôme Leroy arrive-t-il à faire tenir tout ça, et bien plus, en 140 pages ? D'abord il évite toute psychologie trop appuyée et préfère quelques traits de personnalités, un cadre à chaque personnage. Cela donne une première profondeur, une identité. Mais le meilleur reste l'imagination de Leroy, jouant sans cesse avec son lecteur, imprimant des trajectoires, farfelues, inattendues à certains, que ce soit le brigadier un peu facho du début, la veuve du policier mort, le professeur de français, réellement irrésistible. La petite gauloise parvient à mêler tant la question du terrorisme bouillant dans les cités, que la lente montée du racisme dans l'opinion, l'attitude de branleurs de certains jeunes et aussi leur nihilisme (beau personnage de Stacy). Sur ce dernier point, cette nouvelle est remarquable d'originalité et offre une vision pertinente des attentes politiques de post-ados, déjà revenus de tout. La petite gauloise n'est pas un livre sur le terrorisme, c'est un roman sur la déconfiture idéologique, sur une société en confettis, incapable de se rassembler. On retrouve évidemment l'acidité politique, le côté légèrement anticipation, du fameux Le Bloc. Mais ici avec un humour noir terrible. " Maintenant mon petit Slimane, tu travailles pour moi ou je balance ton art du pompier sur les réseaux sociaux. Ne me dis pas que je n'ai pas le droit, j'ai tous les droits puisque je suis de l'antiterrorisme et l'antiterrorisme a tous les droits. Fallait pas attaquer, la démocratie, Slimane, après elle est tout de suite moins démocratique." Et puis ce passage délicieux avec le Combattant, djihadiste dans la panade : " La Petite Gauloise est tellement... transparente. Sauf dans les grottes de Jeanval quand son corps a vraiment l'air d'être un corps. Le Combattant le regretterait, son corps. Le Combattant n'en trouvera pas des comme ça au Paradis? Le Combattant doute que les vierges promises vous mettent un doigt dans le cul."
Mention spéciale à la très belle maquette de cette nouvelle.

Jérôme Leroy, ed. La manufacture de livres, 142 pages, 12, 90 euros.
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