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The killer inside me

Littérature noire

Les valises : le régime Chavez vu de l'intérieur

Le Venezuela de Chavez ! Un sujet si rare dans le roman noir. Juan Carlos Mendez Guedez en fait quasiment un conte, bien sûr très sombre, avec Les valises. L'auteur, désormais installé à Madrid (et cela vaut sans doute mieux pour lui), arrive à manier la plume sud-américaine actuelle, très violente, avec l'irrationnelle folie bureaucratique que l'on retrouve dans la littérature d'Europe de l'Est, un subtil cocktail qui n'est pas que fiction, une sorte de Kafka shooté au mezcal. Dans Les valises, tout est pensé, mesuré : de l'épaisseur des personnages, ni héros, ni victime, à cette narration remarquable qui, d'un roman politique passe à un polar quasiment d'espionnage.
Soit Donizetti, quadragénaire qui subit la vie, avec un ex-femme qui l'a plumé, un petit garçon qu'il ne voit pas assez et un job de journaliste qui lui est tombé dessus. Parce que c'est plus son "allégeance" au pouvoir qui l'a placé dans ce boulot que ses diplômes. L'agence, comme on l'appelle, est dirigé comme un bataillon : avec un major cubain, des officiers de renseignements. Tout est fait pour contrôler l'information. Témoin cette scène terrible d'une émeute de prison qui apparaîtra dans la presse comme un épiphénomène vite revenu à la normale. Doni est surtout un convoyeur de valises vers l'Europe. Des trajets complexe, à base de texto sur son Blackberry, des voyages organisés par le pouvoir pour financer, il ne sait pas trop, parfois l'achat d'armes, parfois la bonne volonté de journalistes occidentaux ou d'hommes politiques. Un jour, Doni est kidnappé par une officine. Il est interrogé, frappé, on lui demande ce qu'il a fait de son arme. Et puis qui fait quoi dans L'agence. Doni ne sait plus si sa loyauté est mis en doute, s'il travaille pour les bons... Libéré dans un piteux état, il retrouve par hasard, Manuel, un ami d'enfance, homosexuel. Tous deux vont imaginer un moyen de s'en sortir. Pendant ce temps, le "Commandant" (Chavez n'est jamais cité) va à Cuba se faire soigner et les pires rumeurs circulent sur son état de santé...
Les valises est une énorme charge politique contre le régime de Chavez. On découvre d'abord un pays où la violence est hallucinante avec des statistiques qui font froid dans le dos, 19 000 tués par an. Dans ces conditions, comme le dit Mendez Guedez, " aujourd'hui au Venezuela, c'est être vivant qui est suspect. Toute personne qui n'a pas été tué est mal vue." A la violence des gangs s'ajoute celle de l'Etat. Exemple avec cette décision du "Commandant" d'expulser tous les habitants d'un quartier parce que c'était là qu'au XIXe siècle on nourrissait les chevaux des soldats qui se sont battus pour l'Indépendance... Le "Commandant" veut donc faire un musée et Manuel et ses parents sont priés, le lendemain, de dégager. Et dans ce pays, aux immenses ressources pétrolières, fondateur de l'Opep, la misère est générale, les difficultés pour acheter un peu de fromage, des aliments de base, renvoient bien sûr aux images des magasins de l'ex- Bloc soviétique. Ou, plus proche, à Cuba.
Mendez Guedez met des tripes dans ces 300 pages, il en a certainement gros sur le coeur mais Les valises n'est pas un pamphlet. C'est un roman génial. Avec une première partie folle où Donizetti ne sait plus où donner de la tête, avant de retomber sur Manuel et de sortir de son rôle passif. Certaines scènes sont extrêmement violentes, que ce soit l'enlèvement d'une gamine en pleine rue, où l'interrogatoire de Donizetti. Mais l'auteur ne se vautre pas dans le voyeurisme, bien au contraire, il peint ça dans une vision de la société de son pays. Quelque chose de presque normale en somme. Quelque chose qui ne fera pas la Une des journaux. Et il y a aussi quelques instants de poésie, de beauté avec des personnages très attachants, notamment Manuel toujours prêt à voir le beau dans un corps, " c'est un avantage qu'ont les moches. Ils vieillissent bien. Le temps ne peut rien leur voler car ils n'ont jamais rien posséder. " Bref, on a enfin des nouvelles du Venezuela.

Les valises (trad. Relé Solis), ed. Métailié, 367 pages, 21, 50 euros.
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M
(Non mais les pubs du blog c'est pas grave, c'est normal, juste quand tu te fais remachiner, du coup, tu n'arrives pas à lire l'article, mais de la newsletter direct sur le site par Imac, ça a marché)<br /> Les fictions disent d'autres vérités à partir des faits,elles sont le pendant des articles ou reportages journalistiques de fond. Elles parlent notamment du sentiment intime de la population. Enfin bref :)) à plus
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C
MVM, une pub ? Je suis désolé, je maîtrise assez mal ça. Mais si tu vas sur le site direct je pense que ça le fait... C'est un livre politique et l'auteur l'assume. Personnellement je le prends comme une fiction avec des éléments de réalité. Gringo Loco devait peut-être le lire avant de faire du dogmatisme. En ce qui me concerne je connais le régime de Cuba pour y avoir été plutôt longuement et j'ai retrouvé un peu ça dans le livre...
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M
Les Vénézuéliens crèvent littéralement de fin, les enfants n'ont pas d'accès au soin, l'opposition est dévastée, les médias sont tenus en laisse courte. Alors un roman noir à ce sujet, c'est une chance. Je vais le lire.<br /> (sinon sur FB ou newsletter du mobile, quand on clique sur lire l'article, on est remachiné sur une pub genre bravo utilisateur apple vous avez gagné le droit d'expérimenter l'iphone 9 - pour info du taulier)
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G
Tout ce que vous dites est faux, completement.<br /> Un site pour une legere re-information, vous en faites ce que vous voulez mais cela contre balancera peut etre l'ecoute en boucle de vos medias habituels :<br /> https://venezuelainfos.wordpress.com/<br /> <br /> Bonne journee et surtout n'arretez pas de penser (Hannah Arendt)
C
Gringo,<br /> pardon ! La démocratie Chavez vue de l'intérieur. C'est mieux ?
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G
Le titre de l'article dit tout : Le REGIME de Chavez, comme on peut aussi dire en Occident le REGIME de Poutine ou de Assad...., bref tous ceux qui sont contre l'hegemonie et l'exceptionnalisme americain.<br /> Si meme sur un site de polar on lit ce genre de commentaires, bref c'est pas gagné !
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