Littérature noire
6 Mars 2018
Avant toute chose, pour mieux saisir ce nouveau roman de Mike Nicol, il faut comprendre que l'ormeau, ce coquillage comestible, est l'objet d'un trafic international entre l'Afrique du Sud et la Chine qui rapporte des millions et que les services de police ont plusieurs fois tentés de freiner. Une filière tombée petit à petit entre les mains du crime organisé sud africain.
Avec Power Play, Mike Nicol poursuit son observation du Milieu au Cap mais ses deux acolytes Mace et Pylon ont pris leur retraite (La dette, Killer Country) et c'est désormais Krista, la fille de Mace qui s'occupe de Compte Security, société de protection rapprochée. Avec son associée, Tami, elles doivent protéger Lavinia, la fille d'un ex gangster dont la famille se fait petit à petit décimée. Il y a eu un premier fils retrouvé au fond de l'eau, puis une fusillade à la sortie d'un restaurant et un deuxième fils poignardé dans la maison ! Tout cela, ou presque, par la faute de Tamora, jeune femme, ex-alliée, à l'ambition démesurée. Le père de famille Titus préfère donc éloigner sa seule fille et garder près de lui son dernier garçon.
Pendant ce temps, une officine des services secrets observe le manège de deux hommes d'affaires chinois également sous la protection de Krista et Tami. Deux hommes venus justement négocier l'exportation d'ormeaux avec Titus. Et c'est ce moment que choisit un autre agent du gouvernement pour entrer en jeu...
L'ambiance est très trouble dans les rues du Cap, entre ces anciens mafieux passablement reconvertis mais toujours puissants, qui se voient menacés sur leurs marchés, des bandes qui s'affrontent violemment et le gouvernement qui tentent d'attirer les investisseurs de l'Empire du Milieu. Tout cela devrait faire de Power Play un très bon roman noir mais après un départ fort, l'histoire tourne un peu dans le vide, la faute en partie à Krista et Mati, deux héroïnes prévisibles dans leurs uniformes de Lara Croft. Surtout que Krista appelle toujours à la rescousse le souvenir de son géniteur Mace, personnage que le lecteur avait appris à aimer à travers son implication dans l'histoire récente et violente de l'Afrique du Sud. Autrement dit, Krista n'est pas le polycopié réussi de Mace. Mais la narration souffre aussi de quelques imperfections, par exemple dans l'enlèvement de Lavinia puisqu'on se demande si la police a trouvé, ou pas, la baby sitter avec la seringue dans le cou ! En tout cas, les enquêteurs ne posent aucune question là-dessus. Le lecteur peut aussi trouver le Russe, tueur à gages, un brin poussif, avec une maladresse dans son exercice qui va presque, involontairement, jusqu'au comique.
Malgré une idée de départ originale, Power Play ne remplit pas son contrat et c'est un peu une surprise, tant Mike Nicol nous avait habitué à des romans maîtrisés, forts, très lucides sur la situation sud africaine. Est-ce que cela signifie qu'il a tout dit sur son pays ?
Power Play (trad. Jean Esch), ed. Seuil, 376 pages, 22 euros.