Littérature noire
18 Octobre 2018
Qiu Xiaolong ne nous surprend plus. La faute sans doute à une Chine dont, désormais, on arrive à connaître les moindres soubresauts, les excès, les dérives. Et même sans être abonné à Courrier International, on sait, plus ou moins, le quotidien de ses 1, 4 milliard d'habitants. Alors oui, au début des années, avec Mort d'une héroïne rouge ou le Très corruptible mandarin (tous deux hautement recommandés), l'auteur chinois, maintenant installé aux Etats-Unis, parvenait à interpeller son lecteur en dévoilant les arcanes d'une société encore assez fermée et surtout les jeux de pouvoir au sein du Parti Communiste Chinois. Avec en plus, un inspecteur Chen, son personnage central, amateur de poésie et de gastronomie traditionnelle, qui donnait un relief spécial aux aventures.
Mais voilà, si Chine retiens ton souffle (12e tome) est bien mieux que le déçevant Cyber China, le lecteur reste quand même sur sa faim. Parce que la question de la pollution dans l'Empire du Milieu, elle a été longuement débattue ces dernières années, dans tous les quotidiens un peu sérieux de l'hexagone. Il semble même qu'en 2018, paradoxe, la Chine souhaite devenir un exemple en terme d'énergies vertes. Donc, oui, ce nouvel opus des enquêtes de Chen tourne légèrement à vide. Pas totalement raté certes parce que cela reste une vision incroyable du changement de braquet d'une économie gigantesque, concentrée aujourd'hui sur le profit et sacrifiant la santé de ses habitants au nom du mirage capitaliste. L'enquête, un peu tirée par les cheveux, sur un tueur en série, passe finalement au second plan. Et là où Qiu Xiaolong était pertinent, voire irrévérencieux avec le PCC, c'est devenu une espèce de routine. On retient un déjeuner pantagruélique avec "une gigantesque tortue sauvage vapeur au jambon de Jinhua et au sucre candi" ainsi qu'un passage sur la flambée de l'immobilier à Shangaï...
Le roman séduira les fans de l'auteur et les sinophiles. Ceux qui veulent découvrir, se pencheront plutôt sur les premiers romans. En fait, pour nous déstabiliser, retrouver quelque chose d'excitant, il faudrait vraiment aborder des thématiques bien plus polémiques, le sort des minorités, la peine de mort, le trafic humain... surtout il faudrait que Qiu Xiaolong mette un peu plus de tripes. OK ce n'est peut-être pas son genre mais sa série s'éteint. Et c'est un peu triste.
Chine, retiens ton souffle (trad. Adélaïde Pralon), ed. Liana Levi, 247 pages