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The killer inside me

Littérature noire

Pension complète : punchline et cauchemar au camping

Depuis Jean-Pierre Bacri, être cynique et drôle, ce n'est pas donné à tout le monde. Jacky Schwartzmann y parvient vraiment très bien avec son quatrième roman Pension complète. Parce qu'être cynique, aujourd'hui, c'est un peu le chewing gum des intellectuels et pseudo intellectuels. Et c'est vite lassant. Schwartzmann, lui, fait vraiment rire en poussant le bouchon loin, en créant des situations pas possibles, des décalages savoureux.
Voici donc Dino Scala, 45 ans, issu d'une cité lyonnaise,  en couple avec Lucienne, milliardaire luxembourgeoise, de 77 ans ! Oui, forcément ça fait jaser. Pourtant il y a de l'amour entre ces deux-là. Si, si. Alors un soir qu'il est dans un bar à hôtesses et qu'un banquier se pointe pour se moquer de lui, de son statut de gigolo, Dino pète un boulon et refait proprement le portrait de l'impudent. Au Luxembourg ce genre d'incident se soigne à l'abri des regards et Dino est prié, par Lucienne, de prendre quelques jours de congès sur la Côte d'Azur, qu'il s'amuse un peu avec la Mercedes et le yacht ancré à Saint-Tropez. Sauf que Dino n'y arrive pas jusqu'à la Côte. Il tombe en panne à La Ciotat et, en attendant la réparation, prend un bungalow dans le camping Les Naïades, rempli de Hollandais, de Belges, d'Anglais et de Français. Parmi lesquels, Richard, écrivain goncourisé qui a atterri là pour écrire sur "les gens". Curieusement, le premier jour de son arrivée, dans le camping, un ado est mort dans la piscine. Et puis, 48 heures plus tard, c'est une Anglaise qui est retrouvée la tête dans la cuvette des toilettes...
On hurle de rire avec Pension complète. Dès la première phrase, " ma belle-mère Macha était ce que l'on appelle une vieille peau. A presque cent ans, elle avait préservé toute sa tête et, donc, cette hargne, ce caractère aussi vicieux qu'un ongle incarné ". Schwartzmann est un adepte de la formule, de la punchline et ça fait souvent tilt, tellement il s'amuse avec la langue et la provocation. " Un écrivain J'ai toujours considéré que ces types possédaient en eux deux choses totalement opposées: un narcissisme démesuré et un intérêt quasi nul... ". " Le type s'est assis sur une chaise de camping, a rallumé une clope, après quoi il a sorti de nulle part une petite enceinte portative Bose couplée à son téléphone, et il a remis sa purée, plein pot. Qui chantait ? Je l'ignore. Un mix entre Jul et Soprano, enfin un type qui s'est lancé dans le rap parce qu'il a raté son CAP de carreleur..." " Se pouvait-il qu'il y ait deux tueurs dans le même périmètre, au mois de juillet, dans le secteur si touristique de La Ciotat ? A peu près autant de chances que de revoir un jour un Français gagner Roland-Garros..."
C'est un petit plaisir malsain de voir un auteur détester ainsi autant de monde, il faut bien l'avouer. C'est bon comme de boire une Heineken frelatée dans un bar PMU. Et puis Jacky Schwartzmann n'en oublie pas pour autant son intrigue. Qui tient avec de gros bouts de ficelle mais qui tient quand même. Parce que le lecteur veut bien y croire et que tout cela est bien présenté, avec ce qu'il faut de "plus c'est gros plus ça passe". Dans le paysage du roman noir français, y a quelque chose d'un peu ovniesque chez cet auteur, quelque chose délirant comme on en trouve chez Stahl ou Hiaasen.

Pension complète, ed. Seuil, 185 pages, 18 euros.
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