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The killer inside me

Littérature noire

Le Cherokee : l'hommage jubilatoire au noir américain

La vache ! Il n'y va pas de main morte Richard Morgiève. Femme étripée et crucifiée, enfant pendu par les pieds, vieille énuclée... Avec Le Cherokee, l'auteur français a voulu rendre un hommage XXL au roman noir américain, tendance thriller et c'est simplement génial. Clairement Richard Morgiève a donné une sacrée leçon a tous les frenchies qui font mumuse avec les codes ricains, ceux qui gardent la tête froide, avec l'air gaulois de celui qui sait qu'il copie et qui ne veut pas trop en faire. Morgiève, lui, y va franco, sans ambiguïté et, en plus, c'est hautement drôle et réaliste. Si, si. Tout ça en 570 pages.
Attention c'est bien un hommage et pas un pastiche. Premier coup de chapeau évidemment à l'immense Jim Thompson (et ça c'est über cool) par le nom du shériff, Nick Corey. Le personnage central de Pottsville 1280 habitants. Faux abruti et vrai méchant. On peut dire que Morgiève réhabilite Corey, qui joue lui aussi les mous du bulbe mais se révèle, comme il aime le dire, un sacré enquêteur. L'auteur sort les clichés. Mais pour mieux les détourner. Nick Corey est la loi à Panguitch, comté de Garfield au fin fond de l'Utah. On est en 1954. A l'assassinat de ses parents, il a été d'abord accusé, mis en taule à seize ans pendant de long mois où il a été violé, avant d'être innocenté. C'est sûr çà forge les caractères. Il est ensuite parti dans le Pacifique se frotter aux Japs. Puis retour à la vie civile comme shériff. Clope au bec, Zippo qui virevolte, ce soir-là, tout le monde à Panguitch assure avoir vu une soucoupe volante. Lui, il trouve une Hudson Sedan verte abandonnée avec une forte odeur de parfum féminin. Et puis aussi, petit détail, un avion : un F86 Sabre de l'US Air Force qui vient de se poser. Sans pilote...
Agent du FBI tout puissant, complot anti-communiste, peur des martiens, bars glauques, vieilles bagnoles, ville fantôme, tireurs embusqués, serial killer insaisissable, Jeep, Harley... tout l'univers du roman noir US est concentré dans Le cherokee. Entre Jim Thompson donc mais aussi pourquoi pas Boston Terran, dans le genre traque, ou Mac Carthy pour les espaces. Et tout cela avec un humour noir lui aussi, une volonté de peindre autant les chouettes femmes que les vilaines : "elle avait un peu une tête de veau sur un corps assez malingre, boursouflé de manière formidable au niveau de la poitrine" ou encore "elle avait un visage d'esquimau, ça expliquait les après-skis en peau de phoque", sans oublier "une femme laide au visage cruel de brosse à dents..."
Riche, ce roman est à la fois la poursuite d'un sacré tueur, pervers et sadique et l'enquête sur le fameux Sabre et la "bombinette" qu'il transportait. Avec une narration d'une rare précision qui voit l'auteur retombait toujours sur ses pattes, jamais pris en défaut d'erreurs, d'oublis. Très rythmé, avec des dizaines de personnages secondaires savamment croqués, un vocabulaire sexuel direct, quelques scènes hallucinantes (dans le bar avec le perroquet ou chez Myrtle Tate), un brin d'amour cucul, des punchlines régulières, notamment sur l'état de l'Amérique, ses armes, sa Nature, sa religion... Voilà, un roman français noir qui va faire date chez les amateurs du genre.

Le Cherokee, ed. Joëlle Losfeld, 467 pages, 24 euros.
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