19 Avril 2019
Petit collector trouvé dans les recoins d'internet et qui nous rappelle que James Sallis, en plus d'être un grand auteur, est un sacré critique littéraire. Publié en 1993 chez Gryphon Books (Brooklyn), Difficult lives est un opuscule de 100 pages sur trois auteurs, leurs vies compliquées et cet âge d'or du livre de poche américain. Parmi ces trois auteurs, Chester Himes, David Goodis et Jim Thompson. C'est ce dernier qui nous intéresse tout particulièrement.
Dans une première introduction, Sallis se rappelle comment, alors qu'il vivait du côté de Portobello à Londres, il avait découvert Hammet et Chandler. La figure du détective hardboiled remettait en cause l'ordre moral américain et évoquant les trois auteurs sujets de son essai, il indique clairement "qu'ils n'auraient pu exister à une autre époque". Cette époque du paperback donc, du livre de poche. Sallis se souvient de son premier contact avec l'objet, à six ou sept ans, devant une édition de La clé de verre de Hammett. L'auteur de Drive reprend ensuite l'histoire à son début, 1939 et l'apparition des premiers livres du genre, tirés à 10 000 exemplaires, supposés être vendus seulement à New York et puis le succès aidant... "chaque société, chaque culture a sa littérature rebelle" écrit James Sallis et c'est ce que va faire le livre de poche et le pulp à ce moment-là.
Et donc Jim Thompson, "le Dostoievski du pauvre" comme le reprend le créateur de Lew Griffin. Difficult lives souhaite d'abord rendre hommage à Big Jim, rappelant à quel point la vie mais le monde littéraire a été injuste avec lui. Enfin pas en France, puisque Sallis rappelle qu'ici, il continue d'être édité et à droit aux mêmes égards que Hammet, McCoy ou Cain. Un petit tour par L'assassin qui est en moi, Pop. 1280 pour cerner la psychopathie du quotidien et cette destruction des clichés opérés savamment par Jim Thompson : "certainement que le refus des règles par Thompson, sa vision sombre l'ont condamnés au ghetto des livres de poche..." Sallis appelle dans son essai d'autres critiques ou éditeurs, comme Geoffrey O'Brien qui disait aussi que Thompson avait brisé la plupart des règles du polar, ou encore Barry Gifford assurant que "personne d'autre n'avait écrit de livres comme ceux-là". James Sallis évoque évidemment la vie de l'homme de l'Oklahoma, son alcoolisme, son quotidien lourd à porter... bref, une quarantaine de pages très complètes, pertinentes. L'hommage d'un grand auteur à un autre grand. Peut-être que Rivages pourrait s'en emparer (puisque ces deux auteurs sont dans son catalogue) et en faire une belle intro pour une prochaine retraduction de Thompson ?...
Les fans se pencheront également sur les parties Chester Himes et David Goodis.