Littérature noire
29 Avril 2019
Roman totalement inattendu de la part de l'auteur de Romanzo Criminale, Suburra... L'agent du chaos n'est pas du tout un roman sur l'Italie ou la Rome des organisations criminelles. Il s'agit davantage d'une réflexion sur la création littéraire, la fiction et sa part de réalité, tout comme d'une extrapolation vaguement complotiste sur le développement d'un programme US autour des drogues. Après sept romans sur les mafias transalpines, Giancarlo de Cataldo s'autorise un pas de côté, pour s'interroger sur son travail, sa façon d'écrire le monde contemporain, de consulter des archives, des témoins pour écrire.
Un jour, à Rome, un romancier est contacté par un avocat. Ce maître Flint, lui propose une rencontre pour évoquer Jay Dark, personnage central du dernier roman de l'auteur, à la fois pirate des temps modernes et espion d'un genre à part. Flint décide de raconter la vraie histoire de Jay Dark à l'écrivain, parce que lui l'a réellement connu. Depuis les coins malfamés de Williamsburg jusqu'aux soirées hippies de San Francisco, Jay Dark va d'abord être le cobaye d'une expérience sur le LSD dont il ressortira sans planer une seule seconde, une résistance aux drogues qui le fera intégrer, au tout début des années 60, un programme de chaos organisé par une officine des services secrets américains. Le but est simple : populariser les drogues pour anéantir toute volonté de révolution communiste. Jay Dark va se prêter au jeu et entamer une relation père-fils avec son mentor le docteur Kirk... Tandis que Maître Flint déroule son histoire, entre chaque déjeuner ou dîner, l'auteur romain se renseigne, recoupe les informations. Sans forcément confirmer toute la légende de Jay Dark. Car son existence est d'une rare densité, toujours à droite et à gauche, en Suisse, au Liban, au Ghana, à produire des cachets d'une puissance recherchée, amoureux éconduit, échappant à un règlement de comptes entre services, mourant d'un infarctus ou pas...
L'agent du chaos n'a pas le réalisme des précédents opus de de Cataldo parce que justement, il veut s'en détacher et interroger son lecteur. Donc ce ne sera certainement pas le premier roman à lire de ce magistrat italien. C'est plutôt un roman pour les fans, une mise en abîme où de Cataldo se regarde en train de fouiller le passé d'un personnage et d'écrire sur lui ce qui peut être vrai, hésitant entre le trop romanesque, le trop invraisemblable et se demandant sans cesse où est la frontière entre fiction et réalité.
L'agent du chaos (L'agente del caos, trad. Serge Quadruppani), ed. Métailié, 313 pages, 21 euros