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The killer inside me

Littérature noire

Demain c'est loin : fous rires dans la banlieue lyonnaise

Vif, drôle politique, provocateur, maLin, Demain c'est loin, de Jacky Schwartzmann annonçait, en 2017, le coup d'éclat, un an plus tard, de Pension complète. Le lecteur retrouve (enfin, si on le lit après) cette gouaille, pas feinte pour deux sous, cette verve qui pousse l'histoire, lui donne un ressort perpétuel. D'accord, Demain c'est loin n'a pas besoin de vitamines supplémentaires, c'est déjà suffisamment speed, alerte, sous tensions. Souvenez-vous de ce petit film de Scorsese, After Hours, quand le héros joué par Grffin Dunne tombait de galère en galère. C'est un peu ce qui arrive à François Feldmann, jeune adulte issu des cités lyonnaises qui voit son business de tee-shirt sévèrement battre de l'aile. Pour s'en sortir, avec sa gueule, son nom, il imagine un autre plan, une idée de génie : amener de la terre d'Algérie, ici en France, pour que les Algériens enterrent leurs morts dans la terre du bled. Une économie substantielle pour les immigrés. Et un bon plan pour François ! Sauf que sa conseillère financière, Juliane Bacardi, lui fait les gros yeux. Et toutes autres banques de même. Reste une solution, son ami d'enfance Saïd, gros caïd de la cité. Lui aura de l'argent à placer, à faire fructifier. Mais Saïd est carrément outré à  l'idée de se faire du pognon sur les morts, c'est contraire aux maigres principes qu'il lui reste. Ce soir-là en redescendant au pied de l'immeuble François a le moral à zéro. Et puis une embrouille se dessine, entre le conducteur d'une Audi et les jeunes de la cité. Tout part en vrille, le conducteur accélère, écrabouille sous les yeux de François, le cousin de Saïd. Dans la voiture, qui ? Juliane Bacardi ! Qui l'appelle ! Tout le monde a entendu. Le vendeur de tee shirt, un peu coincé, grimpe dans la voiture et ainsi démarre une drôle de cavale.
Jacky Schwartzmann entrechoque très frontalement deux mondes : celui des bourgeois, blancs, bien nés, bien éduqués et celui des "arabes", de la cité, de la galère et de la débrouille. Loin d'une traditionnelle comédie du cinéma français, Demain c'est loin respire l'intelligence et la lucidité. François Feldmann réfléchit à deux fois, critiquant autant les bons Français pour qui tout est tellement plus faciles, que les Français, d'origine algérienne, vantant les mérites d'une Algérie qu'ils n'ont jamais connu et dont il sait qu'ils ne supporteraient pas plus d'un mois le quotidien.
L'auteur évite les caricatures, les a priori faciles ou les raccourcis. Du coup, il offre une vision assez juste apparemment ce que semble être cette France du 21e siècle, des gens qui se plaignent certes, mais un peuple bien heureux de vivre dans ces frontières. Et puis on aime cet humour de Schwartzmann, un peu frondeur (ah les tee shirt Charlie !), très déconneur.
"Vous n'avez jamais lu Le sacré et le profane, de Mircea Eliade ? J'ai fait ça en terminale. Il explique que l'homme est une bête à foi, que l'homme croit quoi qu'il arrive : c'est dans ses gènes. Un abruti qui est fou du Paris Saint-Germain, par exemple, développe une forme de foi. C'est aussi fort que la religion.
- Oui, ben s'il est pour le PSG, c'est un con.
- Oh arrêtez, c'est insupportable... on ne peut pas avoir une discussion sérieuse.
- Si. C'est qui Eliade ? 
- Un philosophe roumain.
- Vous déconnez ?
- Non.
- Un philosophe roumain ?... Et pourquoi pas un basketteur gitan pendant que vous y êtes ?
"
Bref, on rit beaucoup et c'est vrai que ce n'est pas si fréquent avec les auteurs français.

Demain c'est loin, ed. Seuil, 183 pages, 17 euros
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