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The killer inside me

Littérature noire

Les sept fils de Simenon : superbe Diaz-Eterovic

Le détective Heredia revient de la cité balnéaire de La Cruces où il a passé six mois, seul avec son chat Simenon, à peindre les portes et les volets d'une résidence. De retour à Santiago, son appartement-bureau est fermé : il faut désormais une carte de résident pour pénétrer dans l'immeuble. La nuit avançant, Heredia se réfugie dans un hôtel borgne du quartier. En pleine nuit il est réveillé par deux calibres posés sur sa tête : la police vient l'interpeller, un homme est mort dans une chambre toute proche. Disculpé, il va apprendre que Gordon, la victime, était un juge de la Cour des Comptes, réputé incorruptible et pas le genre à fréquenter des hôtels de passe. De quoi piquer la curiosité du détective. Il en parle avec Bernales, jeune flic qui était sous la protection d'un ancien ami. Il en parle surtout avec Campbell, rédacteur en chef d'une revue, amateur d'enquêtes, de bonnes histoires. Cette affaire Gordon pourrait être quelque chose à raconter. Surtout qu'Heredia apprend que le juge travaillait sur trois rapports. Enfin, deux, puisque celui sur le projet de gazoduc entre le Chili et l'Argentine a disparu. Un dossier majeur, avec beaucoup d'investissements et de gros enjeux écologiques. Et curieusement un des coursiers de la Cour des Comptes se fait quelques jours après, écraser par un taxi.
Conscience écologique, corruption dans les ministères, Ramon Diaz-Eterovic manie avec brio des thèmes indémodables dans ces Sept fils de Simenon. Comme nombre d'auteurs sud-américains, le créateur d'Heredia a un sens incroyable de la poésie, qu'il parle des femmes ou de Santiago, sa ville, la plume est baignée de nostalgie, de douleurs, d'un sentiment de luttes inégales. Le lecteur est ici au coeur du plus pur style Diaz-Eterovic, qui parle de politique sans avoir l'air, qui convoque les vieux démons de Pinochet, observe son pays évoluer. Heredia est un phénomène, capable de boire du vin dans la rue avec un ancien boxeur devenu clochard, d'aider trois vieilles à intercepter un voleur à la tire et puis d'affronter un ancien flic devenu nervi des puissants. Côté femmes, c'est plus difficile, entre une jeune amoureuse qui ne sait plus si elle tient encore à lui et ses propres désirs, parfois incontrôlables...
Sixième roman de la série Heredia, premier publié en France, avant même La mort se lève tôt, Les sept fils de Simenon est d'un classicisme rare mais avec une patine unique, un polar généreux, émouvant, qui, une fois de plus c'est vrai, montre à quel point l'argent broie les hommes et les consciences. Ce n'est certes pas de la dernière originalité mais, écrit en 2000, ce roman conserve toute sa fraîcheur, son actualité. Il faut lire Ramon Diaz-Eterovic.

Les sept fils de Simenon (trad. Bertille Hausberg), ed. Métailié, 285 pages, 9 euros
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C
Salut Christophe<br /> J'ai retrouvé cette interview quand je faisais cette chronique. C'est l'une des rares (la seule ?) qu'il ait donnée en France visiblement. Maintenant je me demande pourquoi tous les autres Heredia n'ont pas été traduits. Pas bons ?...
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C
Nous avions interviewé l’auteur en 2004 (traduction Jean-Marc Laherrere), ce qui ne nous rajeunit pas, mais les propos restent d’actualité et voici ce qu’il disait à propos de la naissance d’Heredia<br /> « Heredia est naît pendant la dictature la plus terrible de l’histoire du Chili. Une dictature dont j’ai souffert au moment où je sortais de l’adolescence et qui, pendant de nombreuses années, a conditionné ma vie, mon éducation, le déroulement de mon travail littéraire, ma façon de sentir et d’observer la vie. Est venu un moment où j’ai pensé que cette situation de terreur et de crimes systématiques du pouvoir avait des caractéristiques abordables par le biais de la littérature noire. Ainsi, en plus de vouloir me donner des moyens de création, mon intention était de décrire ce qui m’entourait, de ce qui me touchait, moi et beaucoup d’autres chiliens, et d’essayer de provoquer chez mes lecteurs un regard attentif, moins complaisant avec l’époque que nous vivions.<br /> Grâce au roman noir, j’ai trouvé les codes qui permettent d’explorer la relation crime-politique-violence si brutale et tristement commune aux pays latino américains. Il s’agit en définitive d’aborder une littérature aux accents réalistes, au travers d’un genre qui, comme disait Chandler, permet de fouiller dans la crasse que l’on cache habituellement sous les tapis. »
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