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The killer inside me

Littérature noire

Pêche en eau trouble : entre Délivrance et Groucho Marx

Un bouseux qui se balade avec la tête d'un pitbull plantée dans l'avant-bras. Un vieil ermite qui ramasse les opossums morts sur la route pour les manger. Un révérend qui se fait grimper dessus par une call girl en cuissardes de pêche ! Il y a de tout cela et même un peu plus dans Pêche en eau trouble, le déjanté cinquième roman de Carl Hiaasen.
Le point de départ est déjà loufoque. A Miami, un riche industriel de la canne à sucre charge Decker, ancien photographe de presse dans la panade, de prouver que le grand pêcheur Dickie Lockhart, qui a sa propre émission télé sur un canal chrétien, gagne les concours en trichant, en accrochant des poissons cachés dans les marais, les lacs. Mais pas n'importe quel poisson : le bass à grande bouche. Une espèce de perche qui atteint parfois les dix kilos, très sportive... bref, le pied du pêcheur américain. Et forcément autour il y a un gros business de cannes, de bateaux, de leurres et puis ces concours richement dotés, ces show télé. Decker va découvrir ce monde à l'aide de Skink, vieil homme à l'allure d'ours, fin connaisseur des marais à bass, mais aussi vrai psychopathe, au passé assez secret. Après un premier puis un deuxième meurtre, l'ancien photographe sent que l'affaire va tourner vinaigre.
Existe-t-il une école de littérature floridienne ? Avec Tim Dorsey et Carl Hiaasen, le lecteur a largement de quoi assouvir ses fantasmes de romans policiers délirants. Pêche en eau trouble (sorti en 87 aux Etats-Unis, en 98 en France) est une succession de scènes improbables, qui confinent parfois à la débilité congénitale, à la religiosité la plus stupide. Parce que oui, il y a forcément une énorme satire de cette société américaine : les complexes immobiliers qui ravagent la Nature, les émissions de télé évangélistes qui ramassent des fortunes, le racisme primaire des habitants du Sud... c'est souvent à pleurer de rire. Les 50 dernières pages sont peut-être un brin confuses mais Hiaasen a fait le boulot avant, son histoire et ses personnages sont irrésistibles. Le moment où Skink et Decker arrivent chez l'ancienne épouse de ce dernier et que Skink se fait griller un animal sur la pelouse est d'une drôlerie rare.

Pêche en eau trouble (Double whammy, trad. Yves Sarda), ed. Pocket, 478 pages, 9 euros.
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