Littérature noire
22 Octobre 2019
Ab Stenson est un vrai cow-boy. Non, une vraie cow-boy. Elle monte à cheval comme personne, elle manie le fusil à la perfection, elle boit... et elle braque des banques. Dans cet Ouest américain en pleine conquête, elle est une hors-la-loi, "une bête sauvage" disent certains. Mais pas Garett, le fils du pasteur qu'elle vient de kidnapper pour prendre la fuite. Garett la voit comme une femme, jolie c'est vrai, mais surtout libérée de toutes ses chaînes sociales. D'abord sous la menace de son arme et plus librement ensuite, l'ado va apprendre, ce que c'est que l'amour, la peine, l'amitié, la haine... il va apprendre à vivre dans cette Amérique toujours aussi sauvage, aussi rude.
A vue de nez, Sans foi ni loi est un énième western, sous forme d'un énième récit d'initiation. Oui mais, encore, non. D'abord parce que Marion Brunet réussit un superbe portrait de femme avec cette Ab Stenson, toute en nuances, dure avec elle-même comme elle l'est avec les autres. Y compris avec sa petite fille de six ans Pearl, "tu vois fille de gangster c'est pas pire que fils de pute..." Mais Stenson est aussi une amie solide, qui veut prendre soin de Jenny, la jeune prostituée du saloon, elle a également le sens d'une certaine justice. Brunet ne grossit pas le trait, elle veut raconter l'émancipation d'une femme, libérée de l'absolutisme masculin, libérée des codes sociaux et notamment de cette société prétendument bien pensante. Pour un peu Ab Stenson serait une sorte de Spartacus ! Et son héritage, elle va d'abord le transmettre à Garett, ivre de whisky au début mais ivre de tout ce qu'il découvre dans ce monde, loin des prêches et des coups de ceinture de son père. Et outre Ab Stenson, il y a tout un univers de midwest sauvage qui est ici dépeint, allant des animaux sauvages, aux attaques d'indiens, aux forts, aux shérifs, aux parties de cartes.
Roman classé dans les young adult, Sans foi ni loi se lit avec gourmandise y compris à l'âge adulte. Ceux qui ont été soufflés par L'été circulaire retrouveront là cette force d'écriture de l'auteure (autrice ?) dans la description des tourments de jeunesse, des pulsions d'émancipation. Il y a un côté Calamity Jane sans doute mais Marion Brunet romance cela avec brio, tirant ici un petit sourire, là une larme, digérant toute une culture western avec ces images incontournables et en modelant un récit original, presque picaresque. Narration aux petits oignons, émotions, qualité des dialogues, avec une vraie belle scène de flingages devant le saloon... de la bonne littérature pour tous finalement.
Sans foi ni loi, ed. Pocket Jeunesse, 222 pages, 17 euros