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The killer inside me

Littérature noire

La part du fils : ça manque un peu de tripes

C'est un roman-enquête et un roman-mémoire. Ecrit à la première personne, La part du fils est le journal de son auteur, Jean-Luc Coatalem, parti sur les traces de son grand-père, Paol, arrêté par les Allemands en 1943 et disparu dans le sombre camp de Dora, annexe esclavagiste et industrielle de Buchenwald.
Le minutieux travail de reconstitution du parcours de cet homme, soldat de la Grande Guerre puis colon en Indochine est très émouvant, sensible. Si Jean-Luc Coatalem ne trouve pas tous les documents, son roman prend de belles allures de fiction. Mais pour tout dire c'est dans cette quête qu'il est le meilleur. Pourquoi a-t-il été dénoncé ? Où a-t-il séjourné comme prisonnier en France ? Dans quelles conditions ? Et, qu'était cette usine souterraine de Dora ? Il y a bien sûr toute un morceau historique dans La part du fils et notamment un long passage sur Van Braun, inventeur des V2 nazis, rapatriés par les Américains pour les aider dans leur conquête spatiale face aux Russes. Un Van Braun qui est d'ailleurs récemment apparu dans tous les documentaires consacrés aux 50 ans des premiers pas de l'Homme sur la lune. Mais pour en revenir au roman, cette soif de vérité est aussi mise en valeur par le silence du père de l'auteur, fils de Paol. Un homme qui, lui, ne tient pas à savoir pourquoi on lui a arraché son géniteur, traumatisme enfoui et jamais dépassé. De même, dans cette famille bretonne aristocratique, un long passage est consacré à l'oncle, parti en 43 rejoindre Londres, avant de s'engager dans l'armée régulière puis la Légion, soutien plus tard de l'Algérie française.
Mais si le fond est assez captivant, il est vrai que le style de Jean-Luc Coatalem tourne un peu en rond. L'auteur a des tics de journaliste du genre, "armée de Terre. Armée du taire" qui brise un peu la noblesse du propos. Comme il a des emphases qui viennent en contradiction avec cette simplicité du fond, cet engagement humaniste. Parlant de son grand-père : "à l'aplomb des tours-ananas, Paol comprend qu'il n'est que de passage. Energique comme un homme, dérisoire comme un insecte. C'est aujourd'hui toujours et ici partout. Tellement, si peu." Alors oui l'auteur puise beaucoup dans la poésie, dans les grands auteurs, comme il s'immerge dans l'Iroise pour chercher autant des réponses qu'un peu de paix intérieure mais cela manque tout de même de tripes, de caractère. Ou alors non, c'est juste terriblement français, entre écriture (trop) travaillée et émotions contenues. On aurait aimé que Coatalem aille plus loin, s'ouvre les veines, se vide dans ses pages. Il en est presque à s'excuser d'écraser une larme.

La part du fils, ed. Stock, 262 pages, 19 euros
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